VRAI OU FAUX. Qualité de l'eau de la Seine, reconnaissance faciale, budget... On a vérifié huit idées reçues sur les JO de Paris 2024
Publié le mercredi 10 avril 2024 à 11:26
(Héloïse Krob )
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Léa Deseille
Franceinfo a passé au crible plusieurs affirmations du gouvernement au sujet des Jeux, rassemblées dans un "bingo des idées reçues".
Prix des places, restriction des déplacements pour raisons de sécurité, propreté de la Seine… Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris, dont le coup d'envoi est prévu le vendredi 26 juillet, font l'objet de nombreuses inquiétudes, voire de critiques.
Afin de rassurer les anxieux et de répondre aux éventuelles fausses informations, le ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques a mis en ligne le 22 décembre 2023 un "bingo des idées reçues" autour de l'événement. Franceinfo a vérifié huit affirmations présentes dans ce document.
1Les déplacements ne seront pas limités comme à l'époque du confinement : vrai
La préfecture de police a dévoilé le 30 novembre 2023 son protocole pour sécuriser Paris pendant les Jeux. Parmi les mesures présentées, on retrouve la présentation obligatoire d'un QR code pour pénétrer dans certaines zones. Une mesure qui rappelle fatalement les attestations numériques de déplacement mises en place durant le confinement de 2020.
Si la circulation sera effectivement limitée pour accéder à certaines zones, ces restrictions sont loin d'être équivalentes à celles prises durant la pandémie de Covid-19. Notamment concernant les risques encourus par les contrevenants : "Ici, la seule chose qui pourrait vous arriver, c'est d'être obligé de garer votre voiture et de rentrer chez vous à pied", a exposé Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, à la commission des lois du Sénat.
Quatre périmètres de restriction de circulation ont été délimités par les autorités. D'abord, le périmètre organisateur, à l'accès "très restreint", selon le préfet de police. Puis viennent le périmètre de protection, la zone rouge et enfin la zone bleue. Différentes restrictions seront imposées à chaque zone : interdiction de circuler, QR code et attestation pour y pénétrer… Certaines zones seront donc limitées à la circulation, mais le reste de la capitale sera accessible librement.
2Aucun étudiant ne va se retrouver à la rue à cause des Jeux : cela reste à voir
Dévoilée en mai 2023, la décision avait fait polémique. Des étudiants résidant dans les Crous d'Ile-de-France devront quitter leur logement pendant l'été 2024 pour accueillir le personnel des JO. Le ministère des Sports avait annoncé la réquisition de 3 000 logements au total.
Dans son "bingo des idées reçues", le ministère affirme que les étudiants concernés qui souhaitent rester hébergés dans la région en août auront "la garantie de pouvoir l'être sans surcoût, dans un logement équivalent". Le ministère de l'Enseignement supérieur a de son côté rappelé qu'"il n'a jamais été question de priver de logement un seul étudiant pendant les Jeux".
Les étudiants ont reçu un e-mail mi-mars concernant la compensation de 100 euros. Pour le relogement, la situation est encore floue. "Le Crous a commencé à appeler des étudiants pour savoir s'ils voulaient être relogés, je n'ai personnellement toujours rien reçu" confie une étudiante habitante d'un Crous réquisitionné, interrogée par franceinfo fin mars.
3Les bouquinistes seront déplacés : Emmanuel Macron s'est finalement prononcé en leur faveur
Après des menaces et des enlèvements de certaines boîtes, Emmanuel Macron a finalement tranché. "Constatant qu'aucune solution consensuelle et rassurante n'a pu être identifiée avec ces acteurs", "le président de la République a demandé au ministre de l'Intérieur et au préfet de police de Paris que l'ensemble des bouquinistes soient préservés, et qu'aucun d'entre eux ne soit contraint d'être déplacé", a annoncé l'Elysée le 13 février.
Les bouquinistes resteront donc à leur place sur les quais de Seine. Leur déplacement avait été envisagé pour des questions de sécurité lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux, qui doit se dérouler sur le fleuve. Cette rétractation s'explique parce que "les quais hauts" ne seront finalement "plus susceptibles d'accueillir du public pendant la cérémonie", affirme l'Elysée. Un soulagement pour les bouquinistes, qui craignaient de voir leur boîte s'abîmer et leurs ventes chuter.
4 Il sera possible de se baigner dans la Seine en toute sécurité : peu probable
Après Anne Hidalgo en janvier, Emmanuel Macron a affirmé le 29 février qu'il irait se baigner dans la Seine à l'occasion des Jeux. Pourtant, rares sont les Parisiens qui croient à la promesse d'un fleuve suffisamment propre pour que les athlètes puissent y nager lors de cet événement.
Le ministère des Sports conteste et s'engage : "Ce sera bientôt une réalité et un bel héritage de Paris 2024 !". "Des travaux de très grande ampleur ont été engagés pour garantir, lors des épreuves des Jeux, une qualité de l'eau compatible avec la baignade" ajoute-t-il dans son bingo des Jeux. Mais en janvier, une enquête de franceinfo prouvait que les normes sanitaires pour la baignade étaient encore loin d'être atteintes.
Le plan baignade de 1,4 milliard d'euros, entrepris par l'Etat et la ville de Paris, pourrait ne pas être suffisant pour garantir une qualité de l'eau adéquate pour la baignade des sportifs. Lors de la phase test d'août 2023, presque toutes les épreuves avaient été annulées.
Dans un avis rendu le 25 juillet 2023, l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France se disait inquiète de la forte variabilité de la qualité de l'eau de la Seine. Si celle-ci s'est améliorée depuis 2021, on ne constate pas de progrès notable entre 2022 et 2023. A quatre mois des épreuves, aucun plan B n'est prévu.
5La reconnaissance faciale ne fait pas partie du dispositif de sécurité : vrai
Avec la présence de la vidéosurveillance algorithmique dans le texte de loi sur les JO voté par le Parlement en avril 2023, certains ont redouté que la France se mette à utiliser la reconnaissance faciale dans l'espace public. Cette technique, qui permet d'authentifier automatiquement une personne grâce à ses traits de visage, constitue toutefois la limite à ne pas franchir pour la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
Le ministère est formel : "des algorithmes" pourront seulement "identifier (…) à titre expérimental" certaines situations telles que les mouvements de foule, les colis suspects ou encore les incendies. Les caméras "intelligentes" utilisées à ces fins fonctionnent grâce à des logiciels qui analysent en temps réel des images. "Nous avons seulement appris à notre algorithme à reconnaître des objets", assure Matthias Houllier, l'un des fondateurs de l'entreprise à l'origine du logiciel utilisé.
6L'accessibilité des infrastructures aux personnes en situation de handicap sera améliorée : plutôt vrai, mais le chemin reste long
Les organisateurs promettent "des jeux inclusifs et accessibles" qui "transformeront le quotidien des personnes en situation de handicap". Selon la mairie de Paris, près de 350 000 personnes en situation de handicap sont attendues à Paris du 28 août au 8 septembre pour l'événement.
Pour que ces personnes puissent se rendre sur les lieux de compétition. "Des travaux d'accessibilité ont été entrepris dans 60 gares d'Ile-de-France desservant les sites olympiques, une flotte de 1 000 taxis adaptés (...) sera constituée et 200 navettes dédiées seront proposées", précise le ministère. Mais en réalité, l'accessibilité des transports ne sera pas si simple pour les personnes à mobilité réduite.
Contacté par franceinfo Jean-Michel Royere, président de l'association Mobilité Réduite, salue les initiatives, mais relève quelques zones d'ombre. "Les navettes partent des gares, mais s'y rendre est très compliqué. En transport en commun, c'est parfois même mission impossible", ajoute-t-il.
Aujourd'hui, seule la ligne 14 du métro est entièrement accessible aux personnes en fauteuil roulant. Selon les informations de la RATP, à l'été 2024, 33 stations de métro sur les 309 du réseau seront accessibles aux personnes à mobilité réduite.
7Le prix des places n'est pas plus élevé que pour d'autres Jeux : plutôt faux
Tickets pour la cérémonie d'ouverture pouvant atteindre 2 700 euros, et entre 170 et 999 euros pour certaines sessions d'athlétisme… Lors de la mise en vente, le prix des billets pour assister aux Jeux a été très critiqué. "Un certain nombre de places ont un prix élevé. Cela permet que la grande majorité des places soit accessible au plus grand nombre", justifie le ministère des Sports, qui ajoute que "ces prix sont dans la lignée des précédents Jeux".
Sur les 10 millions de places mises en vente, 10% étaient proposées à 24 euros et 5 millions à 50 euros et moins. Pour les Jeux paralympiques, le premier prix est de 15 euros. En comparant avec d'anciennes éditions, on constate que les prix sont légèrement plus élevés pour les Jeux parisiens. Lors de ceux de Tokyo de 2020, le prix minimum était de 19 euros, et pour la cérémonie d'ouverture, les prix étaient compris entre 92 et 2 296 euros. Quant à ceux de Londres, en 2012, il fallait compter au minimum 23,5 euros pour assister à une épreuve.
8Le budget ne sera pas dépassé : plutôt faux
"On sera dans les temps et les budgets !", se félicite le ministère dans son "bingo des idées reçues". L'enveloppe consacrée à l'événement a toutefois été revue à la hausse. D'environ 6,8 milliards d'euros estimés dans le dossier de candidature déposé en 2017, le budget des Jeux devrait finalement atteindre 11,8 milliards d'euros, selon les estimations du cabinet de conseil Asterès.
Dans un rapport publié en juillet 2023 (document PDF), la Cour des comptes retraçait les différentes augmentations survenues depuis la présentation du budget en 2018. Fin 2022, l'addition avait ainsi augmenté de 10%, notamment à cause de l'inflation. Mais les Sages estimaient tout de même que les deux tiers de l'augmentation du budget adoptée fin 2022 résultaient "d'une sous-estimation évidente du budget de candidature et d'une méconnaissance peu compréhensible de la complexité du cahier des charges du CIO".
Reste que les Jeux de Paris devraient être moins onéreux que les autres événements similaires. S'il reconnaît que "comparer le coût d'organisation des différentes éditions des Jeux olympiques est un exercice complexe et imprécis", le cabinet Asterès juge que la facture finale devrait être "nettement" inférieure à celle "de la plupart des éditions passées". "Les Jeux de Paris devraient être les troisièmes les moins chers depuis 1988, après Atlanta et Sydney", écrit le cabinet de conseil.