Attention à ces allégations trompeuses sur la radiothérapie et le vaccin Covid


Attention à ces allégations trompeuses sur la radiothérapie et le vaccin Covid

Publié le mardi 23 janvier 2024 à 16:17

000_T93NY-ipad.jpg

Un patient lors d'une session de radiothérapie à l'Institut Paoli-Calmette de Marseille le 9 octobre 2017

(ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Auteur(s)

AFP France

Les patients cancéreux sont à risque de développer des formes graves, voire fatales, du Covid-19. Pourtant, la veuve de Jean-Pierre Pernaut, mort en 2022, regrette que ce dernier ait eu sa troisième dose du vaccin Covid, et fait le lien entre la mort de son mari à cette injection. Elle assure que cette vaccination était risquée pour le présentateur vedette de TF1, qui suivait alors une radiothérapie dans le cadre d'un cancer du poumon. Mais rien ne permet à ce jour d'affirmer que la radiothérapie est une contre-indication du vaccin Covid, sauf dans de très rares cas de patients traités pour des cancers du sang. Les autorités recommandent de vacciner les personnes atteintes d'un cancer avant de débuter un traitement pour maximiser leur efficacité, mais n'associent pas de risque particulier à cette vaccination.

"Jean-Pierre a fait ses deux premières doses, tout se passait très, très très bien. Sauf que moi, je ne voulais pas qu’il fasse sa troisième dose parce qu’il faisait de la radiothérapie. Et je suis désolée, le vaccin et la radiothérapie, on n’a pas assez de recul".

Sur Cnews le 18 janvier, la veuve du célèbre journaliste de TF1 Jean-Pierre Pernaut, décédé en mars 2022, explique comment son mari, atteint d'un cancer du poumon, s'est fait administrer la troisième dose du vaccin Covid contre son avis.

Déjà interviewée dans l'émission "7 à 8" sur TF1 quelques jours plus tôt, elle affirmait "le vaccin et la radiothérapie ne font pas bon ménage pour moi, on n’a pas de recul".

Nathalie Marquay-Pernaut, dans ces différentes émissions, raconte comment son mari a subi des AVC, puis des thromboses, "trois semaines après [le vaccin, NDLR]".

Lorsqu'un médecin lui explique que ces événements s'expliquent par "la valve du coeur complètement abîmée", elle s'étonne : "Mais le coeur, il y a un mois et demi, on a fait des examens, il n’y avait rien".

2d3cd16c10f7a29ae864128bea51f64f83ff5238-ipad.jpg

 

Capture d'écran de X le 22 janvier 2024

 

Ses propos, établissant un lien entre le vaccin Covid et la mort de son mari, sont aussitôt commentés massivement sur les réseaux sociaux, notamment Facebook où l'interview de Cnews est rediffusée de personnes saluant l'intervention de Nathalie Marquay: "Je dis à cette dame bravo au moins il y a une personne qui peut dire la vérité haut et fort merci Mme elle en a du courage et beaucoup des gens le savent mais à [sic] peur de dire la vérité BRAVO". Sur Twitter, la vidéo de l'émission a été partagée plus de 600 fois.

La publication Facebook de Touche pas à mon poste rediffusant la vidéo a quant à elle été vue 50.000 fois au 22 janvier.

Les thromboses, premières causes de décès chez les patients cancéreux

Jean-Pierre Pernaut, qui avait 71 ans au moment de sa mort, et un cancer du poumon, a fait "12 AVC et des thromboses" dans les semaines précédant son décès, selon Nathalie Marquay. 

Qu'est-ce-qu'un AVC, également souvent appelé "attaque" ? Selon le ministère de la Santé, cet événement survient lorsque la circulation sanguine vers ou dans le cerveau est interrompue par un vaisseau sanguin bouché (AVC ischémique le plus fréquent) ou par un vaisseau sanguin rompu (AVC hémorragique), dans moins de 15% des cas (archive). 

Une thrombose veineuse correspond quant à elle à un caillot de sang qui se forme dans une veine, le plus souvent dans les membres inférieurs. Elle peut mener à une embolie pulmonaire, responsable de 10.000 à 20.000 décès chaque année en France selon l'Inserm (archive).

"Les thromboses sont la première cause de décès par cancer en dehors, bien sûr, de la progression tumorale elle-même", rappelle le Pr Norbert Ifrah, président de l’Institut national du cancer dans un mail à l'AFP le 22 janvier (archive). 

"De plus, la thrombose artérielle et les accidents vasculaires en général sont une complication majeure du tabagisme, même s’il a été arrêté", explique-t-il.

Les vaccins Covid à ARNm n'augmentent pas les risques cardio-vasculaires

Par ailleurs, comme le rappelle régulièrement l'agence de sécurité du médicament (ANSM), les vaccins à ARNm contre le Covid n'augmentent pas le risque d'infarctus, d'AVC ou d'embolie chez les moins de 75 ans (archive).

En France, une étude de l'organisme d'épidémiologie Epi-Phare de janvier 2022 a en effet montré que "l'’incidence des différents événements cardiovasculaires graves n’était pas augmentée dans les trois semaines suivant la première ou la deuxième dose des vaccins à ARNm" (archive). 

000_33XJ9HF-ipad.jpg

 

Une dose du vaccin Covid Comirnaty de Pfizer à Ajaccio le 5 octobre 2023.

AFP

 

Chez les plus de 75 ans, une précédente étude n’avait pas mis en évidence d’augmentation de ce risque après chacune des deux doses du vaccin ARNm Comirnaty (Pfizer).

L'AFP Factuel a cité à de multiples reprises des experts démystifiant de fausses allégations reliant vaccins à ARN et thromboses, comme ici, alors qu'un médecin canadien affirmait que ces vaccins généraient des caillots sanguins chez "la majorité des gens".

En revanche, d'autres vaccins, à vecteur viral, ont pu être associés à de rares cas de thromboses atypiques (associées à un trouble de la coagulation ou localisées à un endroit inhabituel), chez des personnes jeunes. En avril 2021, l'Agence européenne du médicament (AEM) a indiqué que les caillots sanguins devaient être répertoriés comme un effet secondaire "très rare" des vaccins d'AstraZeneca et de Janssen, mais ce n'est pas le cas pour les vaccins à ARN messager de Moderna et Pfizer/BioNTech (archive).  

Le Covid lui-même augmente bien le risque de thrombose veineuse cérébrale, selon les hématologues interrogés par l'AFP : une étude publiée en avril 2021 par l'université d'Oxford conclut même que le risque de développer un caillot de sang cérébral serait 10 fois plus élevé après avoir contracté la maladie qu'après une injection anti-Covid (archive). 

Pas d'effets sur les cellules du sang la plupart du temps

Selon l'Institut national du cancer, "la radiothérapie consiste à utiliser des rayonnements (on dit aussi rayons ou radiations) pour détruire les cellules cancéreuses en bloquant leur capacité à se multiplier" (archive). 

Nathalie Marquay affirme que la radiothérapie associée au vaccin Covid favoriserait la venue d'événements cardio-vasculaires car selon elle : "La radiothérapie booste le sang".

"La plupart des radiothérapies n’entraînent pas d’effets sur les cellules du sang (globules rouges, globules blancs, plaquettes)", renseigne l'Inca, mais ils sont cependant possibles dans certains cas, "par exemple lors d’une radiothérapie très large du thorax, de l’abdomen et du pelvis, ou en cas d’irradiation d’une partie importante de la moelle osseuse, là où se fabriquent les différents éléments du sang".

Un effet indésirable qui peut se traduire par l’apparition inhabituelle de bleus ou de petites taches rouges ou mauves sur la peau (purpura), qui peut être lié à une diminution des plaquettes, protectrices du système immunitaire.

Mais selon le Pr Ifrah, la radiothérapie est responsable d'une immunosuppression "lorsque les champs d'irradiation englobent une grande partie de la moelle osseuse, comme dans le bassin ou l'axe crânio-spinal".

"L'immunosuppression dépend alors de la dose (...) Une immunosuppression cliniquement significative peut également être observée dans le traitement des cancers de la prostate, du col de l'utérus et de l'anus", relève le spécialiste.

Pas de contre-indication au vaccin pendant une radiothérapie

Sur le site de l'Institut Gustave Roussy, il est écrit qu'"aucun élément ne semble empêcher l’administration du vaccin, en respectant l’administration à distance (en intercure) en cas d’administration d’un traitement de type chimiothérapie ou immunothérapie associé à la radiothérapie" (archive). 

Pour le Pr Ifrah, il faut différencier les vaccins vivants (par exemple contre l'hépatite B ou le tétanos) qui "ne sont pas recommandés aux patients immunodéprimés par la maladie ou le traitement". "Les autres vaccins, dits non vivants peuvent par contre être administrés aux patients recevant des traitements anticancéreux. Il en est ainsi de tous ceux du Covid-19, par ARN messager ou non", insiste-t-il. 

Dans l'idéal, cependant, les patients devraient être vaccinés avant d'entamer un traitement anticancéreux, précise-t-il, car l'immunosuppression induite par certains traitements peut diminuer l'efficacité des vaccins, et "il est donc important de tenir compte du calendrier de traitement du patient afin d'optimiser leur efficacité". Pour autant, assure-t-il, "de nombreux patients peuvent avoir besoin de vaccins urgents, tels que ceux contre la grippe ou le Covid-19, alors qu'ils suivent simultanément un traitement".

"Même en cas de réponse sous-optimale, les vaccins non-vivants présentent un risque minimal", estime-t-il. 

Les seules contre-indications spécifiques du vaccin Covid à ARNm chez des personnes atteintes d'un cancer sont les suivantes, selon l'Institut Gustave Roussy : une hémopathie maligne type leucémie aiguë en cours de traitement, une allogreffe de cellules-souches hématopoïétiques dans les 6 derniers mois ou encore la prise de médicaments agissant sur les cellules B, qui décalera l’administration du vaccin soit avant le démarrage soit 6 mois après la fin des traitements.

Les patients cancéreux, des personnes à risque

Le président de l'Inca regrette que les taux de vaccination Covid chez les patients atteints de cancer "restent en général faibles, alors que ces personnes sont exposées à un risque accru de conséquences graves dues à des maladies évitables par la vaccination".

Les patients souffrant d’une maladie cancéreuse "font partie des groupes à risque de développer des complications sévères au Covid-19, notamment en cas de tumeurs malignes bronchiques, métastatiques ou hématologiques", note l'Institut Gustave Roussy, ajoutant qu'une infection au Covid-19 "risque d’entraîner un retard dans les traitements réalisés avec une perte de chance sur l’efficacité attendue".

Le cancer a été l'objet de nombreuses campagnes de désinformation autour de la vaccination Covid, des personnes soutenant que l'injection favorisait sa survenue voire provoquait des "turbo-cancers" très violents, des affirmations démenties par des experts interrogés par l'AFP Factuel.

23 janvier 2024Corrige légende X, à la place de Twitter

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

© AGENCE FRANCE-PRESSE | 2024 | Tous droits réservés. L’accès aux contenus de l'AFP publiés sur ce site et, le cas échéant, leur utilisation sont soumis aux conditions générales d'utilisation disponibles sur : https://www.afp.com/fr/cgu. Par conséquent, en accédant aux contenus de l’AFP publiés sur ce site, et en les utilisant, le cas échéant, vous acceptez d'être lié par les conditions générales d'utilisation susmentionnées. L’utilisation de contenus de l'AFP se fait sous votre seule et entière responsabilité.