Attention à ces annonces sur de supposés déstockages par des boutiques de vêtements


Attention à ces annonces sur de supposés déstockages par des boutiques de vêtements

Publié le mardi 19 décembre 2023 à 11:27

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Théo MARIE-COURTOIS / AFP France

En 2022, plus de 2 milliards de transactions ont été réalisées en ligne en France selon la Fédération du e-commerce, en augmentation de 6,9%. Sur les réseaux sociaux, certaines entreprises entendent profiter de cette tendance pour tromper les consommateurs en prétendant offrir des "réductions incroyables" sur des produits de "haute qualité" avant la fermeture de leur boutique. Mais attention, il s'agit de produits livrés directement depuis la Chine et promus de façon trompeuse à renfort de milliers de publicités à travers toute l'Europe.

Impossible de scroller sur Facebook sans en voir au moins une. Depuis plusieurs semaines, des centaines d'annonces prétendent offrir des "réductions incroyables" allant jusqu'à -70% sur des vêtements de "haute qualité" avant de fermer "définitivement" boutique.

"J'ai la tristesse de vous annoncer la fermeture de notre entreprise familiale bien-aimée" écrivent ainsi plusieurs comptes. "Malheureusement, je ne peux pas continuer l'activité qui était si chère à mon père..." annoncent d'autres profils.

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Capture d'écran réalisée sur Facebook le 18 décembre 2023

 

Les messages se poursuivent sur le même registre visant à profiter de l'empathie des lecteurs.

"L'aventure de la gestion de l'entreprise de mes grands-parents a été une montagne russe émotionnelle remplie de moments incroyables. Cependant, aujourd'hui, nous avons le regret d'annoncer la fermeture de l'entreprise. Pendant des années, mon mari et moi avons servi cette merveilleuse communauté avec des vêtements de haute qualité et un service exceptionnel. Mais, comme le dit le proverbe, 'tout a un début et une fin'" peut-on ainsi lire.

A quelques exceptions près, ces quelques lignes sont copiées-collées mot pour mot sur des milliers de publicités annonçant un destockage massif avant fermeture.

Très partagées, ces annonces émanent de différents comptes comme "Fashionfusionhub", "CoutureCanvas", "Beta66" ou "Revaria".

Boutique fermée en 2017

Une page revient toutefois plus souvent que les autres : "Colette Paris". D'après l'outil de référencement des annonces publicitaires sur les plateformes du groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp), ce sont plusieurs milliers de publicité qui ont été payées rien que pour cette page (lien archivé ici).

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Capture d'écran réalisée sur la bibliothèque d'annonces publicitaires de Meta le 18 décembre 2023

 

Colette Paris reprend à une majuscule près le nom de colette Paris, page Facebook de la boutique parisienne de luxe qui a définitivement fermé ses portes en 2017.

Le site web associé aux publicités joue aussi sur cette proximité avec une adresse internet proche de celle de l'ancienne boutique.

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A gauche, capture d'écran du site trompeur. A droite, capture d'écran du site officiel de la boutique colette

 

En recherchant les termes "colette boutique" sur Google, on retrouve d'ailleurs ce site parasite en premier résultat, devant la véritable page web de la boutique parisienne.

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Capture d'écran réalisée sur Google le 18 décembre 2023

 

Quant à la recherche "colette boutique fermeture", elle présente en premier résultat une publication de l'école de mode IFA Paris, qui, selon Google, aurait été publié le 23 novembre (lien archivé ici).

De quoi coller au récit des annonces sponsorisées sur Facebook, alors que le document a en réalité été diffusé en 2018, après la fermeture de colette.

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A gauche, capture d'écran réalisée sur Google. A droite, capture d'écran de la publication sur le blog d'IFA Paris

 

Cette présentation associée à la mise en avant de vêtements à l'allure travaillée suffisent à convaincre certains internautes. "C'est bien triste de voir une partie du "beau made in France" disparaître avec cette annonce", déplore ainsi une utilisatrice de Facebook.

"Pure arnaque"

Les produits proposés sont pourtant bien loin d'être fabriqués en France comme le remarque un internaute lésé : "Moi je [m]e suis fait avoir comme un bleu, je n'ai réalisé l'escroquerie que lorsque je me suis rendu compte en suivant mon colis qu'il est parti de ...Chine."

Le site internet ne mentionne pas directement que sa production pourrait être située au sein de l'Hexagone. Mais dans la description, l'entreprise indique posséder "un bureau à Paris, où travaillent [ses] créateurs de mode, [ses] principaux développeurs de sites web et [ses] équipe de marketing." L'AFP n'a pas été en mesure de retrouver la trace d'un tel bureau et a, en revanche, relevé plusieurs erreurs flagrantes de français sur le site web, comme ce manteau vendu comme une "cheminée élégante".

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Capture d'écran du site de e-commerce Colette Paris réalisée le 18 décembre 2023

 

Une recherche par image inversée nous permet de retrouver la plupart des produits proposés sur le site du grossiste chinois AliBaba ou de son alternative grand public AliExpress, à des prix bien inférieurs. 

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A gauche, capture d'écran du site de e-commerce Colette Paris. A droite, capture d'écran du site de e-commerce AliExpress.

 

Cette provenance semble confirmée par les commentaires d'acheteurs sur les sites de notation comme Trustpilot ou Signal Arnaques (lien archivés ici et ici).

"Pure arnaque ! Des produits complètement nazes, d'une qualité plus que minable, les photos présentées sont à dix mille lieux de la réalité du produit", avertit ainsi l'un d'entre eux.

"Première fois de ma vie que je me fais avoir de la sorte !!!! Produits qui sens le (pétrole) c est tout sauf des vêtements de qualités, très petite en taille, aucune étiquette grande arnaque . Aucun relevé de commande aucune adresse de retour. J ai tout jeté de malice et de dégoût, l odeur était horrible . 130 euros à la poubelle", dénonce une autre acheteuse.

Aucune adresse identifiable en France, produits directement livrés de Chine et retrouvables sur des sites de commerce en ligne comme AliExpress : le modèle de Colette Paris ressemble en tout point à du dropshipping.

Ce type de commerce est défini par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) comme reposant "sur un schéma où le professionnel, qui s’occupe de la commercialisation et de la vente de produits, délègue totalement à son fournisseur, souvent installé dans des pays à très bas coûts de production, la gestion des stocks et la livraison des produits au consommateur." (lien archivé ici)

"Ce modèle a séduit de nombreux opérateurs à la recherche de gains faciles et rapides", explique l'administration. En 2021, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait mis en garde les influenceur sur le recours à ce type de pratique, légale, mais pouvant donner lieu à "de la publicité mensongère et de la vente mensongère" (lien archivé ici).

En 2022, sur 215 sites de dropshipping analysés par la DGCCRF, 116 n'étaient pas conformes à la règlementation française.

Modèle international

Derrière "Colette Paris" se cache en réalité une société hong kongaise du nom d'Industex Limited. Enregistrée au registre du commerce en mars 2023, son adresse officielle est la même que celle de Get Started HK, une entreprise qui propose entre autres un service de domiciliation pour les entreprises souhaitant s'enregistrer à Hong Kong (lien archivé ici).

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Captures d'écran réalisées sur le registre des sociétés de Hong Kong le 18 décembre 2023.

 

Dans le domaine des sites de ventes de vêtement en ligne, Industex n'en est pas à son coup d'essai. Pour chaque public européen, elle a développé des sites spécifiques : Oliver London pour les Britanniques, Matteo Berlin pour les Allemands et les Autrichiens, Amalíe Praha pour les Tchèques, Loïs Amsterdam pour les Néerlandais...

Chaque pays a le droit à la même abondance de publicités sur les réseaux sociaux et les sites web se confondent, avec les mêmes traductions douteuses et les mêmes produits mis en vente.

Surtout, les avis des internautes sont unanimes, pour chaque site il est possible de retrouver un nombre important d'avis négatifs pointant la mauvaise qualité des produits et la confusion entretenue sur ces faux destockages.

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Captures d'écran réalisées sur les site de e-commerce Loïs Amsterdam et Oliver London le 18 décembre 2023

 

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Captures d'écran réalisées sur les site de e-commerce Amelie Praha et Matteo Berlin le 18 décembre 2023

 

Sur son site internet, la DGCCRF propose un guide pour éviter les arnaques en ligne. Elle préconise notamment de "choisir un site français ou européen" sachant que le .fr dans l'URL "ne signifie pas forcément que le site est français". "Soyez très attentif à la description des produits" et "faites attention au marketing trop agressif" prévient-elle.

La DGCCRF encourage également les consommateurs à signaler toute pratique commerciale trompeuse sur son site.

En 2022, les sites de vente en ligne ont enregistré 2,3 milliards de transactions (+6,9%) pour un chiffre d'affaires de 146,9 milliards d'euros selon Fédération du e-commerce et de la vente à distance (lien archivé ici).

Nous enquêtons régulièrement sur des arnaques circulant sur les réseaux sociaux, comme ici à propos de prétendues photos de chiens abandonnés, là au sujet de faux accidents de la route, ou là à propos de fausses annonces pour récupérer des bagages perdus dans les aéroports à petit prix.


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