"Etats-Unis : Le taux d'invalidité a augmenté de 15% depuis le début de la vaccination contre la COVID-19. Coïncidence ?", questionnent des publications relayées sur les réseaux sociaux (1,2).

"Les données sur le handicap en temps réel du Bureau américain des statistiques du travail (BLS) ont augmenté de 857 000 en juin pour atteindre un nouveau record historique de 34,15 millions ! Combien de temps encore, les médias vont-ils couvrir ce crime contre l'humanité ?", interroge également Silvano Trotta, dont les allégations ont déjà été vérifiées à plusieurs reprises par l'AFP Factuel. 

Ces publications renvoient vers un article de blog.

Toutes ces publications partagent un graphique comme preuve, qu’a également repris sur X (ex-Twitter) la biologiste Hélène Banoun, critique régulière de la gestion de la crise Covid-19, affirmant : "Travailleurs US de plus de 16 ans en invalidité. Vous remarquez quelque chose à partir de janvier 2021?", ajoutant sur le graphique que cette date correspond au "début des vaccins Covid-19".

Augmentation du nombre de personnes en situation de handicap en emploi

Le graphique partagé dans les publications (lien archivé ici) provient de la Réserve fédérale (Fed) de Saint-Louis qui se base sur les chiffres du Bureau of Labor Statistics (BLS), le principal établissement du gouvernement américain dans le domaine de l'économie du travail et des statistiques (lien archivé ici). 

Selon le communiqué de presse du BLS (lien archivé ici), ces données sur les personnes en situation de handicap ont été collectées dans le cadre de la Current Population Survey (CPS), une enquête mensuelle par sondage auprès d’environ 60.000 ménages, qui fournit des statistiques sur l’emploi et le chômage aux Etats-Unis. Cette collecte de données sur les personnes en situation de handicap est parrainée par le Bureau de la politique d'emploi des personnes handicapées du ministère du Travail. 

Selon les données du BLS, le nombre de personnes en situation de handicap aux États-Unis est effectivement en hausse ces dernières années (comme expliqué plus bas). Attention toutefois, le graphique partagé s'intéresse à l’évolution du pourcentage de la population active en situation de handicap.

"Ce graphique montre qu'il y a eu une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap dans la population active depuis 2020 environ. Le graphique ne montre pas qu'il y a une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap aux États-Unis", affirme ainsi Amelia Sandhovel (lien archivé ici), du think tank Economic Innovation Group (EIG) qui se consacre à "la mise en place d'une économie américaine plus dynamique et plus inclusive" (lien archivé ici).

En effet, selon les chiffres du BLS, le taux d'emploi des personnes en situation de handicap a largement dépassé son niveau d'avant pandémie.

Avec 24,8% des personnes en situation de handicap employées en novembre 2023 (lien archivé ici), il s'agit du ratio emploi-population le plus élevé depuis que les États-Unis ont commencé à suivre cette statistique en 2008.

En comparaison, ce taux s'élevait à 20,4% en janvier 2020.

Cependant, pour les organismes contactés par l'AFP qui ont travaillé sur le sujet, cette hausse n'a rien à voir avec l'introduction des vaccins contre le Covid-19 mais assurément avec les évolutions des modes de travail accélérées par la crise sanitaire, comme le développement du télétravail.

"Il est inexact et faux de lier l'augmentation du nombre de personnes en situation de handicap aux États-Unis, et l'introduction des vaccins contre le Covid-19. Les études suggèrent d'ailleurs que la vaccination contre le Covid-10 protège contre le Covid long et aide les personnes qui en sont atteintes", affirme Mia Ives-Rublee (lien archivé ici), directrice de la Disability Justice Initiative au sein du think tank American Progress (lien archivé ici).

"Après le début de la pandémie de Covid-19 - et conformément au graphique que l'on peut voir sur les publications - nous avons également constaté une augmentation du nombre de personnes en situation de handicap dans la population active civile et une amélioration des taux d'emploi des travailleurs en situation de handicap", explique-t-elle. 

Pourquoi ? Selon Mia Ives-Rubles, la situation "tendue" du marché - où la demande de main-d'œuvre a dépassé l'offre, créant des pénuries de main-d'œuvre - ce qui a probablement "augmenté les opportunités d'emploi pour les travailleurs en situation de handicap".

Elle évoque également l'augmentation "du nombre d'emplois télétravaillables".

Ces mêmes arguments sont également avancés par Amelia Sandhovel. "Nos recherches (lien archivé ici) indiquent qu'un marché du travail solide et le travail à distance sont deux facteurs clés qui semblent stimuler le taux d'emploi des Américains en situation de handicap", soutient-elle.

Selon cet article sur le sujet (en anglais) de l'association américaine de professionnels de la gestion des ressources humaines Society for Human Resource Management (lien archivé ici), le télétravail a également conduit à "une utilisation accrue de technologies plus accessibles" - en termes de sites Internet, de visio-conférences et d'outils de sous-titrage -"qui ont permis aux personnes en situation de handicap de travailler plus facilement depuis leur domicile".

Toutefois, "il est important de noter qu'en dépit de certaines améliorations, les personnes en situation de handicap continuent d'être employées à des taux nettement inférieurs à ceux des personnes valides", précise Mia Ives-Rublee.

"Les décideurs politiques et les lieux de travail doivent répondre aux besoins des travailleurs en situation de handicap en réduisant les obstacles qui les empêchent de postuler, d'obtenir et de conserver un emploi."

Le Covid long

Dans le même temps, comme affirmé dans les publications que nous examinons, le nombre de personnes en situation de handicap a bien augmenté aux États-Unis ces dernières années.

Le nombre de personnes en situation de handicap dans la population civile est ainsi passé de 33.295 millions en mai 2023 à 34.152 millions en juin de la même année, soit une augmentation de 857.000 personnes (lien archivé ici).

Et, effectivement, entre janvier 2021 et novembre 2023, le nombre de personnes en situation de handicap est passé de 29.851 millions à 33.922 millions en novembre 2023, soit une augmentation d'environ 14 %. 

Mais ici encore, aucun lien avec la vaccination. Pour comprendre la hausse du nombre de personnes en situation de handicap, il faut plutôt aller chercher du côté de l'infection Covid-19 en elle-même, plutôt que du côté des vaccins.

"La propagation du virus Covid-19 a entraîné une invalidité massive, c'est pourquoi le vaccin a probablement permis de prévenir les incapacités", soutient Mia Ives-Rublee citant un article du think tank dans lequel elle travaille, American Progress, intitulé "Le COVID-19 entraînera probablement 1,2 million de personnes en situation de handicap supplémentaires d'ici la fin de 2021 : les lieux de travail et les politiques devront s'adapter" (lien archivé ici).

Plus de trois ans après le début de l'épidémie, le syndrome post-Covid, communément appelé Covid long, affecte ainsi "plusieurs centaines de milliers" de personnes en France, selon un diagnostic du Covars publié début novembre (lien archivé ici).

Le syndrome post-Covid, ou Covid long, désigne la persistance de séquelles durables plusieurs mois après l'infection par le virus. Si "les connaissances scientifiques ont beaucoup progressé", il reste "des questions persistantes concernant la définition du SPC, ses mécanismes, son diagnostic et son traitement", relève le Covars.

Mais il est certain que "cela a des conséquences sur des trajectoires individuelles et familiales mais aussi des répercussions sociales et économiques", comme du décrochage scolaire, des arrêts maladies prolongés, des démissions.

Si, au bout d'un certain temps, "certains patients vont être guéris" du syndrome post-Covid, aux manifestations très diverses, une majorité deviennent des malades "chroniques" ou gardent certaines "séquelles", a noté Xavier Lescure, infectiologue et copilote de l'avis, durant une conférence de presse, couverte par l'AFP (lien archivé ici).

Les vaccins considérés comme sûrs et efficaces

Interrogé le 3 octobre 2023 par l'AFP, le Pr Jeffrey Cirillo (lien archivé ici) martèle : "Clairement, la vaccination sauve des vies", mettant en avant que "le taux de mortalité des personnes vaccinées a été et continue d'être inférieur à 0,1 %, ce qui est bien mieux que celui de la population non vaccinée qui affiche un taux de mortalité d'environ 3 % dû à l'infection au SARS-CoV-2".

En délivrant une autorisation aux vaccins contre le Covid-19 (lien archivé ici), l'Agence européenne des médicaments (AEM) a estimé que la balance "bénéfice-risque" de ces vaccins était respectée, c'est-à-dire que la protection offerte globalement contre le Covid-19 était beaucoup plus importante que les potentiels effets secondaires ou risques induits par le vaccin, comme l'explique l'agence sur son site.

La sécurité des vaccins a ensuite continué d'être surveillée de près par l'OMS, par l'Agence européenne des médicaments (lien archivé ici), et, en France, par l'Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) (lien archivé ici) qui recensent et étudient tout effet indésirable survenu après l'administration d'un vaccin.

En débutant la campagne de vaccination en vie réelle, des affections ont, au fur et à mesure, été associées par différentes autorités sanitaires aux vaccins, comme par exemple un risque de thromboses à l'AstraZeneca (lien archivé ici) ou de péricardite ou myocardite (lien archivé ici) aux vaccins à ARN messager.

Plusieurs études se sont ainsi penchées sur des troubles cardiaques, très rares et, la plupart du temps, sans complications graves, mais ce sujet a été largement exagéré comme l'a déjà expliqué cet article de vérification de l'AFP.

Ces risques ont parfois mené à des suspensions ou arrêt des campagnes de vaccination dans certains pays comme rapporté par de nombreux articles de presse relayés par la vidéo virale. Plusieurs pays européens avaient par exemple suspendu en mars 2021 le vaccin d'AstraZeneca "par précaution" (lien archivé ici).

Mais la plupart des effets secondaires signalés sont bénins (douleurs au point d'injection, fièvre...) et ces effets potentiels restent extrêmement rares au regard du nombre de doses injectées.

De fait, l'ANSM continuait par exemple d'estimer en avril 2022 (lien archivé ici) que si "la vaccination par un vaccin ARNm augmente le risque de myocardite et celui de péricardite dans la semaine suivant la vaccination", ces risques "apparaissent toujours peu fréquents au regard du nombre élevé de doses administrées", concluant que "l'évolution clinique est toujours favorable dans la majorité des cas" et que "ces nouvelles données de pharmaco-épidémiologie ne remettent pas en cause le rapport bénéfice/risque des vaccins contre la Covid-19 Comirnaty et Moderna, dont l'efficacité contre les formes graves de Covid-19 est très importante".

En France, 156 788 000 de doses ont ainsi été injectées depuis le début de la campagne vaccinale à la date de juin 2023 (lien archivé ici), selon le dernier point de surveillance de l'ANSM publié en juin 2023, qui estime que "la surveillance que nous avons mise en place ainsi que les données internationales, confirment que les vaccins contre le Covid-19 sont sûrs et efficaces".

La désinformation au sujet des vaccins anti-Covid est massive et récurrente sur les réseaux sociaux. L'AFP a consacré de très nombreux articles de vérification à ce sujet, à retrouver ici.