Avec Jadot ou Mélenchon, le prix de l'électricité "va doubler, voire tripler": sur quoi repose cette affirmation de Roussel ?


Avec Jadot ou Mélenchon, le prix de l'électricité "va doubler, voire tripler": sur quoi repose cette affirmation de Roussel ?

Publié le mardi 1 février 2022 à 18:50

fedc04efbfe1a0bc4027b54f606a628d.jpeg

Fabien Roussel lors de la présentation de son programme présidentiel, lundi 24 janvier 2022 à Paris 

(AFP / Bertrand GUAY)

Auteur(s)

Baptiste PACE, AFP France

Le prix de l'électricité va-t-il "doubler, voire tripler" si Yannick Jadot ou Jean-Luc Mélenchon accède à l'Elysée, comme le prétend Fabien Roussel ? Le dirigeant communiste, seul candidat de gauche à prôner la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, s'inspire des travaux discutés de RTE, le gestionnaire des réseaux de transport de l'électricité, sur la production d'énergie à l'horizon 2050. Interrogé par l'AFP, l'entourage du candidat a nuancé les propos de M. Roussel, évoquant plutôt "une trajectoire qui conduira à doubler le prix de l'énergie".

Les prix de l'énergie sont au coeur de la thématique du pouvoir d'achat, grande priorité des Français à l'approche de l'élection présidentielle. Devant la récente flambée des prix, le gouvernement a d'ailleurs récemment dévoilé un arsenal de mesures pour contenir les factures et honorer sa promesse de limiter à 4% l'augmentation des tarifs réglementés de l'électricité en 2022.

Mais le dossier énergétique est également un point de clivage sensible au sein de la gauche, mettant aux prises Ecologistes, Insoumis et Socialistes, favorables, à des rythmes différents, à la sortie du nucléaire, et le Parti communiste qui prône le maintien de l'atome auquel il est historiquement favorable.

"Soutenir l'industrie, lutter pour le pouvoir d'achat des Français et contre la vie chère, c'est proposer un mix énergétique s'appuyant sur du renouvelable et du nucléaire, et par la nationalisation d'EDF et d'Engie". Et "puisque c'est l'heure d'ouvrir le débat avec les Français, c'est une différence notable que j'ai là avec mes camarades de gauche et écologistes. Nous ne sommes pas du tout d'accord là-dessus", a insisté Fabien Roussel lors de la présentation de son programme présidentiel, le 24 janvier.

Le député du Nord a enfoncé le clou dans un entretien au Parisien, jeudi 27 janvier: selon lui, "avec Jadot ou Mélenchon, si demain ils gouvernent le pays, le prix de l'électricité va doubler, voire tripler. Et nous serons dans l'incapacité de réindustrialiser la France et de faire face au boom des véhicules hybrides ou électriques".

Sollicité par l'AFP, le PCF explique notamment appuyer sa démonstration sur les travaux de RTE, le gestionnaire des réseaux de transport de l'électricité.

Baptisée "Futurs énergétiques 2050", cette étude "a vocation à documenter et analyser les options de mix électriques, leurs avantages, leurs inconvénients, leurs impacts et leurs conséquences. C'est essentiel pour éclairer le débat public", explique RTE sur son site internet.

"Trajectoire"

Ces travaux disponibles en ligne, présentant six scénarios de production possibles à l'horizon 2050 --allant de 100% de renouvelables à un développement "volontariste" du nucléaire avec la construction de 14 EPR ainsi que des petits réacteurs--, mais aussi différentes "trajectoires de consommation", forment une somme incontournable pour les acteurs du débat autour de la transition énergétique.

Le PCF s'appuie sur "les scénarios à 2035 et 2050 de RTE". Ce qui n'implique donc pas qu'en cas d'élection de l'écologiste Yannick Jadot ou de l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon en avril, les prix de l'électricité vont "doubler, voire tripler" lors du prochain quinquennat.

Fabien Roussel "ne dit pas (qu'une telle hausse interviendrait) du jour au lendemain. Il ne dit pas: dans le quinquennat qui suit. Il dit que ça nous met sur une trajectoire qui conduira à doubler le prix de l'énergie", précise à l'AFP le directeur de campagne du candidat PCF, Ian Brossat.

2022020119-4a52b29794a51fb0b9a7d8aa01340b0b.jpegLa centrale nucléaire du Bugey, à Saint-Vulbas (Ain), photographiée le 25 janvier 2002. ( AFP / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK)

S'ils sont incontournables, ces travaux de RTE n'en sont pas moins âprement discutés. Car on peut notamment lire dans le document de synthèse que "construire de nouveaux réacteurs nucléaires est pertinent du point de vue économique".

RTE a "montré qu’un mix électrique dans lequel il y avait du nucléaire sortait moins cher qu’un mix électrique sans nucléaire. Parce qu'aux coûts des renouvelables, il faut ajouter le coût du réseau, et du raccordement. Il y a plus de réseau, plus de raccordement quand il y a plus de renouvelable", explique Nicolas Goldberg, du cabinet Colombus Consulting.

"La deuxième chose, c’est que l'éolien solaire, ça ne produit pas tout le temps, en tout cas pas avec une puissance garantie, donc il faut bien un système à côté. Dans les scénarios de RTE, ils ont construit un système hydrogène qu'on met à côté pour gérer le back-up des énergies renouvelables". "C’est ça qui fait exploser les coûts, sans surprise", mais "on n'est pas dans des rapports de un à deux ou de un à trois", ajoute M. Goldberg.

Ces conclusions de RTE sur la "pertinence" de construire de nouveaux réacteurs sont évidemment contestées par les tenants de la sortie du nucléaire.

Pour Yves Marignac, de l'association Négawatt, groupe d'expert qui a présenté en octobre son scénario 100% renouvelable à l'horizon 2050 , "il n'y a pas de différence fondamentale entre des scénarios qui reconduiraient en partie le choix nucléaire, ou qui parieraient sur une trajectoire 100% renouvelables."

"Les scénarios publiés par RTE montrent des différentiels de coût complet, donc in fine de facture pour les ménages et les entreprises, qui sont de l'ordre de 10%, 20% au maximum. Donc pas du tout dans un rapport de doublement ou de triplement", poursuit M. Marignac.

Réduire la consommation

Produire de l'énergie est une chose, la consommer en est une autre. "Il faut rappeler que le prix payé par le consommateur, c'est toujours un prix unitaire multiplié par une certaine consommation. Donc si on n'arrive pas à maîtriser la consommation, de toute façon les consommateurs paieront plus cher", souligne M. Goldberg.

"Si l’objectif est de maîtriser l’impact des coûts sur les consommateurs finaux, les entreprises et les ménages, la priorité des priorités, c’est la maitrise de la demande. Par exemple, l'investissement public dans la rénovation des bâtiments", abonde M. Marignac.

Lors de la publication de l'étude de RTE, le candidat écologiste Yannick Jadot avait dénoncé une "présentation partielle et donc partiale", selon lui fondée "principalement sur une seule trajectoire d'évolution de la consommation électrique" et excluant l'hypothèse de la maîtrise de la consommation. Or, "c'est évidemment sur une trajectoire de maîtrise de l'énergie que les scénarios" centrés sur les "énergies renouvelables sont les plus rentables", avait-il fait valoir.

Dans son programme, M. Jadot prône notamment de consacrer 10 milliards d'euros par an pour la rénovation thermique des passoires énergétiques.

Référendum ?

Le nucléaire produit aujourd'hui plus de 70% de l'électricité française, un record mondial, et le gouvernement a fait le choix de ramener cette part à 50% d'ici 2035, après l'abandon de l'objectif de 2025 initialement établi par François Hollande.

Les avis divergent donc, à gauche, sur l'avenir de l'atome. Les Ecologistes et les Insoumis prônent la sortie totale. Les premiers énoncent, dans leur programme, l'objectif d'un "mix énergétique 100% énergies renouvelables à horizon 2050, et si possible dès 2040", avec l'arrêt de 10 réacteurs nucléaires au moins d'ici 2035.

Pour les Insoumis, dans une récente tribune au Journal du Dimanche, Jean-Luc Mélenchon s'est engagé à "tout faire pour aller plus vite que le scénario (d'un arrêt total du nucléaire en) 2045".

"Pas avant 2050", pour la candidate du Parti socialiste Anne Hidalgo. Dans son programme, la candidate socialiste établit l'objectif de "parvenir à 100% d'énergies renouvelables, aussi rapidement qu'il sera possible de le faire", précisant qu'"il n'y aura pas de construction de nouveaux EPR ou de petits réacteurs modulaires" et que "le nucléaire sera utilisé comme énergie de transition, sans sortie précipitée pour ne pas faire flamber le prix de l'énergie".

Candidate confirmée par sa victoire à la "primaire populaire", Christiane Taubira n'est "pas favorable à l'énergie nucléaire, compte-tenu des déchets radioactifs et de cet héritage qu'on laisse aux générations suivantes". Mais n'ayant "pas une conception monarchique du pouvoir", elle a indiqué lundi 31 janvier sur franceinfo vouloir organiser un référendum sur le sujet, à l'issue d'un débat dont les données "permettront aux Français de trancher".

M. Mélenchon avait d'ailleurs proposé un référendum sur le nucléaire à M. Roussel si celui-ci acceptait de rejoindre sa candidature. Sans résultat.

© AGENCE FRANCE-PRESSE | 2024 | Tous droits réservés. L’accès aux contenus de l'AFP publiés sur ce site et, le cas échéant, leur utilisation sont soumis aux conditions générales d'utilisation disponibles sur : https://www.afp.com/fr/cgu. Par conséquent, en accédant aux contenus de l’AFP publiés sur ce site, et en les utilisant, le cas échéant, vous acceptez d'être lié par les conditions générales d'utilisation susmentionnées. L’utilisation de contenus de l'AFP se fait sous votre seule et entière responsabilité.