Covid: attention à ces affirmations sur les vaccins responsables de "sérieux problèmes de santé"


Publié le mardi 27 février 2024 à 10:54

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AFP France

Les résultats de la plus grande étude jamais réalisée sur les vaccins Covid, portant sur près de 100 millions de personnes vaccinées, ont été publiés en février. Des articles de presse et des publications sur les réseaux sociaux assurent que cette étude démontre un lien entre la vaccination et des maladies comme le syndrome de Guillain-Barré. Mais c'est trompeur: si l'étude a identifié et confirmé des "signaux de sécurité" pour certaines affections survenues sur des personnes vaccinées, elle n'a pas établi de lien de cause à effet. Et ces signaux étaient dans leur majorité déjà connus depuis les premières campagnes de vaccination. D'autre part, insiste un auteur de l'étude, ces très rares cas n'ont pu être identifiés que du fait de l'énorme échelle de la cohorte, et leur proportion est "infime". Enfin, ces maladies restent en tout état de cause en proportion bien plus fréquentes après un Covid qu'après une vaccination.

Ils la surnomment "l'étude des 99 millions": sur les réseaux sociaux mi-février, de nombreux internautes se sont emparés d'une vaste étude internationale sur les risques d'effets indésirables de la vaccination Covid (archive). Selon certains, ce travail de recherche portant sur près de 100 millions de personnes vaccinées dans huit pays, dont la France, révélerait enfin "la vérité".

"Et voilà ! On nous traitait de complotistes et pourtant !", réagit le 21 février sur Facebook Florian Philippot, président du mouvement d'extrême-droite les Patriotes, relais récurrent de fausses affirmations sur le Covid et le vaccin, "Une nouvelle étude internationale sur les #vaccins traitant la #COVID-19, la plus importante à ce jour, a fait le lien entre cette inoculation et les risques accrus de certains effets secondaires indésirables, tels la myocardite et le syndrome de Guillain-Barré". Sa publication a été partagée plus de 1.200 fois au 26 février.

Toujours sur Facebook, d'autres comptes partagent cette conclusion, comme celui de TV Languedoc , qui conclut: "Le déséquilibre risque-bénéfice étayé par les preuves à ce jour contre-indique d’autres injections de rappel et suggère qu’au minimum, les injections d’ARNm devraient être retirées du programme de vaccination des enfants jusqu’à ce que des études de sécurité et toxicologiques appropriées soient menées". 

Dans la foulée, sur X aussi des internautes réagissent, le 21 février toujours: "LE VACCIN CONTRE LE COVID-19 SERAIT À L'ORIGINE DE SÉRIEUX PROBLÈMES DE SANTÉ, enfin ils le reconnaissent", ou encore "CONFIRMATION : LE VACCIN COVID EST LIÉ AU DÉVELOPPEMENT DE TROUBLES CARDIAQUES ET CÉRÉBRAUX".https://perma.cc/5LGY-GDQD

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Capture d'écran de X le 26 février 2024

 

En anglais aussi, les informations trompeuses sur les résultats de cette étude se multiplient depuis le 20 février, comme cet article de RT (ex-Russia Today) partagé sur Facebook et titrant: "Les personnes vaccinées contre le Covid ont plus de risques de développer des maladies neurologiques (étude)".

Que montre l'étude publiée dans Vaccine?

L'étude sur laquelle portent ces affirmations trompeuses a été publié le 12 février dans la revue Vaccine. Il s'agit de la plus vaste étude sur le sujet, par le nombre de personnes incluses - plus de 99 millions de personnes vaccinées en Australie, au Canada, en France, au Danemark, en Ecosse, en Argentine, en Finlande et en Nouvelle-Zélande. Elle a été réalisée par un réseau de recherche international sur l'efficacité et la sécurité des vaccins, le Global vaccine date network (archive), financée par les Centres de contrôle des maladies américains (CDC).

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L'étude internationale publiée dans la revue Vaccine, capture d'écran le 26 février 2024

 

L'objet de l'étude était de comparer, en analysant les données de santé disponibles, les taux de certains "effets indésirables présentant un intérêt particulier" dans cette cohorte de personnes vaccinées par rapport aux taux habituellement observés dans la population générale.

Il ne s'agit donc pas d'une comparaison avec des personnes non-vaccinées pendant la même période, mais avec des données datant de 2015 à 2019, avant l'existence même de la vaccination Covid. Chaque événement de santé pour lequel l'occurrence était supérieure à 1,5 fois le taux attendu a été identifié comme potentiel nouveau risque ou "signal de sécurité".

En conclusion, l'analyse multinationale "a confirmé les signaux de sécurité déjà établis pour la myocardite, la péricardite, le syndrome de Guillain-Barré et des thromboses veineuses cérébrales", écrivent ses auteurs, ajoutant que "d'autres potentiels signaux de sécurité qui nécessiteront des investigations supplémentaires ont été identifiés".

Que disent les articles de presse cités par les internautes?

Les internautes qui en déduisent que ces vaccins sont dangereux citent des articles de presse, notamment un texte publié sur le site de la chaîne de télévision CNews le 21 févrieret intitulé: "Le vaccin contre le Covid-19 pourrait être à l'origine de certains problèmes de santé, selon une étude". D'autres citent un article canadien, publié par le Journal de Montréal le 20 février qui titre: "Une vaste étude mondiale confirme le lien entre les vaccins contre la COVID-19 et de potentiels problèmes de santé".

Ces articles sont trompeurs: après un titre et un chapeau alarmistes, ils ne mentionnent qu'à la fin que les infections au Covid se sont révélées "plus susceptibles de provoquer les problèmes de santé observés que la vaccination".  

Des signaux déjà connus pour les effets cardiaques

Contrairement à ce que laissent croire les articles et publications sur les réseaux sociaux, l'étude de Vaccine n'a rien d'"explosif", selon l'épidémiologiste Katrine Wallace, qui analyse les résultats dans un billet de blog (en anglais) publié le 22 février (archive): "les résultats les plus statistiquement significatifs de cette étude servent seulement à confirmer des signaux de sécurité qui avaient déjà été trouvés dans d'autres bases de données autour du monde".

Concernant les événements cardiovasculaires survenus après une vaccination Covid, les auteurs de l'étude notent "des résultats très similaires à ceux d'études semblables", avec, par exemple, un risque de myocardite multiplié par deux suivant une troisième dose de vaccin à ARNm par rapport aux taux de population générale pré-Covid.

Cet effet indésirable potentiel des vaccins à ARNm, particulièrement chez les hommes jeunes, est connu depuis 2021: en France, l'ANSM (l'agence du médicament) a publié dès juillet 2021 une information de sécurité au sujet des myocardites et péricardites, actualisée (archive) en avril 2022. 

Dès juillet 2021 aussi, l'Agence européenne du médicament, l'EMA (archive) demande aux fabricants d'inclure ces pathologies cardiaques dans la liste des possibles effets indésirables des vaccins à ARNm de Pfizer et de Moderna, après un examen approfondi des 145 cas de myocardites après Comirnaty et des 19 cas après Spikevax (Moderna) relevés dans l'Union européenne.

Les myocardites, des inflammations du muscle cardiaque, et les péricardites, des inflammations de la membrane qui entoure le cœur, sont causées, la plupart du temps, par une infection virale (comme le Covid-19) et surviennent plutôt chez des hommes jeunes. Dans la majorité des cas, l'état de santé des patients s'améliore de lui-même ou à l'aide d'un traitement.

Contacté par l'AFP le 23 février, le professeur en pharmaco-épidémiologie Anders Peter Hviid, un des auteurs de l'étude parue dans Vaccine (archive), résume: "en général, l'association entre les vaccins à ARNm et les inflammations cardiaques ont déjà été bien décrites, mais sont rares et ont de bons pronostics". Il ajoute qu'il est "important de comprendre si ces associations sont causales, et quel est le mécanisme derrière", afin "d'aider à améliorer les vaccins futurs utilisant les mêmes technologies".

Par ailleurs, il estime que "même si les signaux semblent liés aux premières doses, les autorités en charge de la surveillance des vaccins doivent toujours s'y intéresser".

D'autre part, il est important de rappeler qu'en dehors de la catégorie des hommes jeunes, sur la comparaison du risque entre vaccination et Covid, plusieurs études ont déjà démontré un plus grand risque de myocardite après une infection au Covid qu'après la vaccination anti-Covid, comme cette méta-analyse qui a passé en revue 22 études et conclut que le risque de myocardites est sept fois plus important pour les personnes infectées par le Covid-19 que pour les personnes venant de se faire vacciner.

Un risque de thrombose veineuse cérébrale déjà identifié avec AstraZeneca

L'étude a aussi mis en lumière un risque multiplié par trois de thrombose veineuse cérébrale (archive)par rapport au taux attendu dans la population générale avec le vaccin à adénovirus d'AstraZeneca. Là encore il s'agit d'un effet indésirable extrêmement rare puisque 69 cas ont été observés parmi les 99 millions de personnes vaccinées, contre 21 cas attendus.

Dès avril 2021,l'EMA a indiqué que les caillots sanguins devaient être répertoriés comme un effet secondaire "très rare" du vaccin à vecteur viral d'AstraZeneca, mais ce n'est pas le cas pour les vaccins à ARN messager de Moderna et Pfizer/BioNTech. En France, le vaccin d'AstraZeneca a fait l'objet d'une suspension puis d'une restriction de vaccination en 2021.

Des risques neurologiques surprenants mais pas inquiétants

Enfin, l'étude relève "une augmentation statistiquement significative" des cas de syndrome de Guillain-Barré, une maladie auto-immune qui attaque le système nerveux (archive), dans les 42 jours suivants la première dose du vaccin d'AstraZeneca, avec 190 cas observés contre 76 attendus.

Une autre maladie neurologique, l'encéphalomyélite aiguë disséminée (une maladie inflammatoire auto-immune démyélinisante rare, archive) a été identifiée comme "signal de sécurité", avec sept cas observés contre deux attendus.

Ces nouvelles identifications, cependant, sont à relativiser. Déjà, comme le rappelle Anders Peter Hviik, "notre étude ne prouve pas de lien de cause à effet" entre ces maladies et la vaccination.

"Nous avons été surpris d'observer des signaux d'association entre certains vaccins Covid et de rares événements neurologiques", admet-t-il, "mais il est important de rappeler que ces signaux ont été relevés avec les premières doses des vaccins d'AstraZeneca et de Moderna, et pas avec les doses suivantes de ces vaccins. Quant au vaccin de Pfizer, il n'a pas révélé ces signaux".

D'autre part, insiste l'auteur de l'étude, "nous parlons de cas extrêmement rares", pour l'encéphalomyélite aiguë disséminée, moins de dix cas sur près de 100 millions de personnes. Leur mise en exergue "est uniquement due à l'échelle de notre étude, qui nous a permis d'identifier cet infime risque potentiel".

Une étude relayée en octobre 2023 par les autorités françaises (archive) faisant état d'un risque augmenté de développer un syndrome de Guillain-Barré avec certains vaccins Covid montrait aussi que le risque est nettement plus élevé en cas d'infection au coronavirus.

"Ces nouveaux signaux de rares événements neurologiques doivent mener à de plus amples investigations, mais ils semblent être limités aux premières doses et ne doivent pas dissuader les personnes à risques de se faire vacciner", insiste le Pr Hviik.

"Le message à retenir de cette étude, c'est que les vaccins Covid sont vraiment sûrs", a conclu un autre auteur de l'étude, le canadien Jeff Kwong, directeur du centre des maladies évitables à l'Université de Toronto cité par le journal canadienThe Star (archive).

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