Imprécisions et contre-vérités autour du vote pour les postes-clés de l'Assemblée nationale


Imprécisions et contre-vérités autour du vote pour les postes-clés de l'Assemblée nationale

Publié le vendredi 1 juillet 2022 à 14:30

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(AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT)

Auteur(s)

Jeremy TORDJMAN, AFP France

Entre tractations et jeux d'influence, le récent vote des députés pour attribuer les postes-clés de l'Assemblée nationale s'est déroulé dans un climat électrique. A couteaux tirés, les partis se sont accusés mutuellement d'avoir pactisé avec leurs adversaires, quitte à colporter parfois imprécisions et contre-vérités.

Yaël Braun-Pivet élue au Perchoir grâce au RN ?

Les conditions de désignation de la présidente de l'Assemblée nationale et de ses vice-présidents ont fait tiquer certains élus LFI, qui y ont vu le signe d'une collusion entre LREM et le RN.
Dans un tweet très viral, le député insoumis Antoine Léaument a ainsi affirmé que le parti d’extrême droite "avait permis de faire gagner"la macroniste Yaël Braun-Pivet, première femme à décrocher le Perchoir.

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C’est toutefois inexact. 

Aux termes du règlement de la chambre basse, le président de l’Assemblée nationale est élu par ses pairs lors d’un vote à bulletins secrets et à l'issue d’une procédure divisée en plusieurs étapes.

Dans une première phase, il faut, pour être élu, réunir la majorité absolue des suffrages exprimés. Si ce seuil n’est pas atteint lors du premier ou deuxième tour de scrutin, un troisième tour se tient et le vainqueur doit alors seulement obtenir la majorité relative. 

Mardi 28 juin, Yaël Braun-Pivet est arrivée en tête du premier tour avec 238 voix sur 567 exprimés, sans donc toutefois obtenir la majorité absolue de 284. Elle a notamment distancé l’insoumise Fatiha Keloua-Hachi (146 voix) et le candidat du RN Sébastien Chenu (90 voix).

Un deuxième tour a donc dû être organisé et Mme Braun-Pivet a bénéficié d’un concours de circonstances très favorable: M. Chenu a décidé de retirer sa candidature et seuls 462 suffrages ont été exprimés. En récoltant 242 voix, la candidate macroniste a ainsi pu atteindre la majorité absolue et emporter le scrutin. 

03fe2d02cb9157820864ad6a2421c360746fb13e-ipad.jpgYaël Braun-Pivet le 28 juin à l'Assemblée, après son élection au perchoir.AFP / CHRISTOPHE ARCHAMBAULT

Il est toutefois inexact d’affirmer que Marine Le Pen a "fait gagner"la candidate macroniste, dont l’élection lors d’un éventuel troisième tour n’aurait fait aucun doute étant donné les rapports de force à l’Assemblée où la coalition présidentielle dispose d'une majorité relative de 250 sièges.  

Il est en revanche vrai que le parti d’extrême droite a, en retirant sa candidature, évité à Mme Braun-Pivet de disputer un troisième tour, comme l’a reconnu Marine Le Pen.

"On peut tourner ça comme on veut,(Mme Braun-Pivet, ndlr) aurait été élue",a-t-elle déclaré sur franceinfo mercredi 29 juin, assurant avoir voulu éviter une perte de temps inutile. "C’était inéluctable. Autant que l’opération se fasse rapidement".

Si l’affirmation de M. Léaument est inexacte, les suspicions de collusion RN-LREM ont toutefois été renforcées par la désignation des vice-présidents de l’Assemblée nationale le 29 juin.

Deux d’entre eux issus du RN – Sébastien Chenu et Hélène Laporte – ont obtenu respectivement 290 et 284 suffrages, soit bien davantage que les 89 voix des députés d’extrême droite. Si les votes sont à bulletins secrets, le rapport de forces à l’Assemblée implique mathématiquement qu’ils ont bénéficié de l'apport de députés macronistes.

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Commission des finances : l'élection de Coquerel "illégitime du point de vue du règlement"?

Candidat malheureux à la présidence de la Commission des finances, le député RN Jean-Philippe Tanguy a assuré que l'élection de son rival, l'insoumis Eric Coquerel, était "illégitime du point de vue du règlement"de l'Assemblée nationale.

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"L’usage républicain qui avait constamment été appliqué et qui consistait à ce que le principal groupe d’opposition, désigné comme tel par les électeurs, ait la présidence de la commission des Finances n’a pas été respecté pour la première fois et c’est très grave", a déclaré M. Tanguy sur BFMTV, assurant que la présidence des insoumis était "illégitime du point de vue du règlement".

C'est toutefois imprécis. Depuis 2007, ce poste stratégique est réservé à un élu de l'opposition mais le règlement de l'Assemblée ne spécifie à aucun moment qu'il doit appartenir au plus important groupe d'opposition, un rang que se disputent par ailleurs encore le RN et la Nupes.

L'article 39, alinéa 3, du règlement de l'Assemblée indique simplement que le poste doit échoir à "un député membre d'un groupe s'étant déclaré d'opposition".

Dans ses déclarations, M. Tanguy a par ailleurs jugé "affligeant"que la majorité n’ait "pas voulu prendre part au vote". Or, l'usage républicain veut précisément que le camp majoritaire s'abstienne de prendre position afin que ce soit un élu de l'opposition qui obtienne la majorité des suffrages exprimés.

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