L'OMS n'a pas alerté sur une augmentation de myocardites chez les bébés de mères vaccinées contre le Covid


L'OMS n'a pas alerté sur une augmentation de myocardites chez les bébés de mères vaccinées contre le Covid

Publié le vendredi 21 juillet 2023 à 14:28

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Auteur(s)

Daniel FUNKE / Claire-Line NASS / AFP Etats-Unis

Des publications trompeuses mais virales dans plusieurs pays prétendent que l'OMS aurait admis qu'il existait une augmentation inhabituelle de cas de myocardites chez des bébés nés de mères vaccinées. Il s'agit en réalité d'une confusion avec une alerte diffusée au Royaume-Uni fin 2022, à la suite de signalement d'une augmentation de myocardites chez des nourrissons, dont la majorité était liée à des infections à entérovirus.

Ce signalement n'abordait pas la question des vaccins et le statut vaccinal des mères n'était d'ailleurs pas mentionné. Si les myocardites post-vaccination font l'objet d'une surveillance depuis 2021, les données connues à ce jour n'établissent pas de lien entre les myocardites chez les nourrissons et la vaccination des femmes enceintes, ont confirmé l'OMS et les autorités sanitaires britanniques à l'AFP.

"DOSSIER VACCIN : L'OMS admet que des mères entièrement piquées donnent naissance à des bébés atteints de graves malformations cardiaques", affirme un tweet partagé 1.500 fois depuis le 7 juillet.

Des allégations similaires, assurant ou suggérant que l'OMS aurait alerté quant à une augmentation de myocardites chez des nourrissons nés de mères vaccinées contre le Covid-19 circulent depuis fin mai 2023 sur Facebook, Twitter (1, 2), Telegram (1, 2, 3, 4) et des blogs, où elles totalisent plus d'une centaine de milliers de vues et des milliers de partages.

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Capture d'écran du blog "latableronde", prise le 19/07/2023

 

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Capture d'écran prise sur Telegram le 19/07/2023

 

Des rumeurs semblables circulent largement en anglais, et certaines des publications en français renvoient d'ailleurs vers un extrait vidéo en anglais d'une émission de The Epoch Times, un média associé au mouvement spirituel chinois du Falun Gong, qui a déjà été épinglé pour avoir diffusé des affirmations fausses ou trompeuses sur la pandémie de Covid-19 (comme ici, ici, ou ) et relaie régulièrement des informations non-vérifiées, selon une analyse (lien archivé) de l'entreprise spécialisée Newsguard.

Dans la vidéo, le présentateur lance : "Je sais ce que vous pensez à ce stade : Qu'est-ce qui a pu conduire à cette augmentation des cas de myocardite chez les bébés au cours des années 2022 à 2023 ?", interrogeant : "cela pourrait-il être lié avec le fait que tout le monde dans le pays, dont les femmes enceintes, ont été poussés à se faire entièrement vacciner ?".

Mais ces sous-entendus et affirmations résultent d'une mauvaise interprétation d'une alerte liée à des myocardites chez les nourrissons au Royaume-Uni, qui ne mentionnait pas la vaccination des mères, publiée fin 2022.

D'où viennent ces allégations ?

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) avait indiqué le 16 mai dans un communiqué (lien archivé) qu'à partir de l'été 2022, une augmentation des "myocardites sévères" chez les nourrissons du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord avait été signalée.

Mais ce document ne mentionnait pas la vaccination contre le Covid-19 et l'étude sur laquelle il se fonde n'indique pas si les mères des nourrissons concernées étaient ou non vaccinées, comme le mentionne d'ailleurs le présentateur de The Epoch Times dans son intervention complète du 8 juillet.

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Capture d'écran du communiqué de l'OMS, prise le 19/07/2023

 

Le communiqué précise par ailleurs que ces myocardites signalées ont été "associées à une infection à entérovirus au Pays de Galles", ce que les messages sur les médias sociaux omettent de préciser.

"Bien que les infections à entérovirus soient courantes chez les nouveaux-nés et les jeunes nourrissons, cette augmentation signalée de myocardites ayant des conséquences graves chez les nouveau-nés et les nourrissons, associée à une infection à entérovirus est inhabituelle", indique encore le document.

Les myocardites, des inflammations du muscle cardiaque, et les péricardites, des inflammations de la membrane qui entoure le cœur, sont causées, la plupart du temps, par une infection virale (comme le Covid-19) et surviennent plutôt chez des hommes jeunes. Dans la majorité des cas, l'état de santé des patients s'améliore de lui-même ou à l'aide d'un traitement, indique un article (lien archivé) sur le sujet du site de l'Inserm.

L'OMS a indiqué à l'AFP dans un mail du 11 juillet que la vaccination contre le Covid-19 est liée à "certains cas d'inflammation cardiaque, nommées myocardites et péricardites", rappelant néanmoins que les myocardites sont largement plus fréquentes après une infection au Covid-19 qu'après la vaccination, comme l'ont montré plusieurs études dont celle-ci (lien archivé) publiée début 2023, ou celle-là (lien archivé) parue en août 2022.

"Le vaccin Covid-19 est le meilleur moyen de se protéger contre une maladie grave", a aussi souligné Emma O'Brien, porte-parole de l'Agence britannique de sécurité sanitaire (UKHSA), auprès de l'AFP le 11 juillet.

Les cas d'entérovirus signalés par l'OMS

Entre juin 2022 et mars 2023, 15 nouveaux-nés et nourrissons "ont présenté un tableau compatible avec une septicémie néonatale au Pays de Galles et dans le sud-ouest de l'Angleterre", selon le communiqué de l'OMS de mai 2023. Parmi ces derniers, des tests ont confirmé neuf cas d'infections à entérovirus.

"Huit cas ont été traités en soins intensifs, et un est décédé avant d'être transféré en salle de soins". "Parmi tous les cas vivants, la myocardite a été considérée comme une caractéristique" de l'infection à entérovirus, y est-il encore indiqué. Le pic d'incidence du nombre de cas avait été atteint en novembre 2022.

Les entérovirus sont des virus différents (lien archivé) des coronavirus, notamment car ils se propagent principalement par contact avec des sécrétions corporelles plutôt qu'avec des particules en suspension dans l'air. Les entérovirus sont courants et touchent principalement les bébés, les enfants et les adolescents, selon le site (lien archivé) du Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles.

"Les virus peuvent ne pas provoquer de symptômes ou n'en provoquer que de légers", indique ce groupe médical sur son site. "Mais dans certains cas, un entérovirus peut être plus grave et entraîner des complications. Certains virus, comme celui de la poliomyélite, peuvent provoquer des maladies graves".

Emma O'Brien de l'UKHSA, a précisé à l'AFP que l'entérovirus "était déjà connu pour provoquer des myocardites dans de rares circonstances chez les très jeunes bébés".

L'OMS indique également sur son site (lien archivé) que les infections virales sont la cause la plus fréquente des myocardites, dont les symptômes comprennent des douleurs thoraciques, un essoufflement et des palpitations.

Les premières recherches "n'ont pas permis d'identifier d'autres groupes de cas dans d'autres régions que celles du sud du Pays de Galles et du sud-ouest de l'Angleterre au cours des 12 derniers mois", selon l'OMS. A partir des informations -- limitées -- disponibles au moment de la publication du communiqué, l'OMS estimait que le risque pour la santé publique était "faible".

La vaccination des femmes enceintes au Royaume-Uni

Malgré de rares cas (lien archivé) de myocardites survenues après la vaccination contre le Covid-19, Emma O'Brien a déclaré que "des études à grande échelle menées dans le monde entier n'ont trouvé aucune preuve d'un risque accru de myocardite chez les nourrissons dont la mère a été vaccinée contre le Covid-19 pendant la grossesse".

"Il est rassurant de constater que la littérature [scientifique, NDLR] publiée jusqu'à présent ne fait état d'aucun cas de myocardite associée à un vaccin chez les femmes enceintes", conclut une étude (lien archivé) publiée en mai 2022 sur la vaccination Covid-19 et la grossesse, qui précise par ailleurs que "documenter les effets secondaires possibles et de leurs conséquences est important pour la surveillance continue de la sécurité des vaccins à ARNm".

Le Royaume-Uni avait d'abord, par principe de précaution, indiqué que le vaccin n'était pas recommandé aux femmes enceintes et allaitantes, comme rappelé dans cet article de vérification de mars 2023. 

Environ quatre mois après le début de la campagne de vaccination, le gouvernement britannique avait néanmoins recommandé la vaccination des femmes enceintes sur la base d'un avis (lien archivé) du comité mixte sur la vaccination et l'immunisation, le JCVI, réalisé à partir de données en temps réel collectées aux Etats-Unis (lien archivé) montrant à l'époque "qu'environ 90.000 femmes enceintes ont été vaccinées, principalement avec des vaccins à ARNm, dont Pfizer-BioNTech et Moderna, sans qu'aucun problème de sécurité ne soit soulevé". 

D'après une FAQ mise à jour le 29 novembre 2022, les vaccins contre le Covid-19 sont toujours "fortement recommandés pendant la grossesse" (lien archivé) par le Collège royal des obstétriciens et gynécologues britanniques.

Aux Etats-Unis (lien archivé), la vaccination a été étendue à toutes les personnes de plus de 12 ans, dont les femmes enceintes (lien archivé) en août 2021.

Le Collège américain des gynécologues et obstétriciens recommande également depuis 2021 aux femmes enceintes de se faire vacciner contre le Covid-19, indiquant sur une page dédiée de son site (lien archivé), mise à jour le 27 juin 2023, qu'un "nombre croissant de données d'observation n'a pas identifié jusqu'à présent de problèmes de sécurité pour la vaccination contre le Covid-19 pendant la grossesse".

Depuis le printemps 2021 (lien archivé), la France recommande également la vaccination anti-Covid aux femmes enceintes, même si elle leur avait d'abord déconseillé pendant le premier trimestre.

"Au tout début, on a dit qu'il fallait éviter le premier trimestre, et puis on a vu qu'il n'y avait aucun risque", avait rappelé en janvier à l'AFP la gynécologue Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français. "Aujourd'hui, on conseille de vacciner à n'importe quel moment, même si l'idéal est d'être vaccinée avant la grossesse pour ne pas risquer un Covid enceinte".

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Femme enceinte dans un centre de vaccination en Colombie en 2021

AFP

 

Les myocardites post-vaccination

Les allégations sur les myocardites post-vaccinales sont légion depuis 2021, et ont fait l'objet de plusieurs articles de vérification de l'AFP, ici notamment sur des publications qui affirmaient à tort, que 10% des personnes vaccinées étaient touchées, ou là sur d'autres qui assuraient sans fondement qu'un million de Français étaient concernés.

Dans cet article, le professeur Mahmoud Zureik (lien archivé), directeur de l'agence Epi-phare, qui surveille l'ensemble des produits de santé en France, rappelait l'état des connaissances sur les myocardites et la vaccination anti-Covid, début 2023. Mahmoud Zureik a participé à cet article (lien archivé) rédigé par des cardiologues, qui faisait aussi le point sur le sujet.

Ses travaux (lien archivé) ont notamment montré que le risque de myocardite est plus élevé chez les jeunes garçons de moins de 30 ans, particulièrement avec le vaccin Moderna : "c'est à la suite de ces travaux que la Haute autorité de santé (HAS) en novembre 2021 a limité l'utilisation de Moderna aux plus de 30 ans", précisait-il.

Les premières mentions de myocardites post-vaccinales datent d'avril 2021, et ont été révélées par des recherches israéliennes (lien archivé). Elles ont ensuite été intégrées à la pharmacovigilance américaine notamment.

En France, depuis l'été 2021, les myocardites et les péricardites sont considérées comme des effets indésirables pouvant survenir suite à une vaccination contre le Covid-19 par un vaccin à ARN messager.

Le surrisque (lien archivé) est estimé à 17 myocardites pour 100.000 doses chez les hommes de 18 à 24 ans pour le vaccin de Moderna et 5 cas pour 100.000 doses pour celui de Pfizer.

"Aux regards des risques, le bénéfice de la vaccination ne se pose pas pour les femmes et les hommes de plus de 30 ans, et les données sur les myocardites publiées depuis l'été 2021 ne veulent certainement pas dire qu'il faut mettre fin à la vaccination des jeunes hommes de moins de 20 ou 30 ans, qui gardent un bénéfice sur la diminution des événements graves liés à la Covid", analyse le cardiologue Florian Zores sur son blog (lien archivé). "On doit cependant chercher à réduire le risque des myocardites", conclut-il.

Au 30 juin 2023, sur 150 millions de doses de vaccin anti-Covid administrées en France, 1.020 personnes ont demandé une indemnisation à l'Oniam, l'organisme national d'indemnisation des accidents médicaux, chargé de traiter les demandes d'indemnisation des personnes victimes d'"accidents médicaux graves". L'organisme a rendu un avis sur 241 dossiers et pour 30% d'entre eux, soit 72 dossiers, a donné son accord à une indemnisation, selon des chiffres rendus publics au Sénat mi-juillet.

Ces indemnisations concernent principalement des myocardites ou des péricardites survenues après une vaccination Covid. Les chiffres de l'Oniam ne concernent pas les procédures judiciaires en cours pour des accidents possiblement liés aux vaccins.

Statistiques relatives à une ou plusieurs déclaration(s) fact-checkée(s) par cet article

  • URL de la déclaration : https://twitter.com/VeriteDiffusee/st...
  • Texte de la déclaration :

    🟦 DOSSIER VACCIN :  L'OMS admet que des mères entièrement piquées donnent naissance à des bébés atteints de graves malformations cardiaques.

    Augmentation de myocardites chez les enfants nés de mères vaccinées mais on continue les injections !!!

    Sommes nous fous ?

    La Covid se…

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