Non, l'excès de mortalité observé en Grande-Bretagne n'est pas dû aux vaccins Covid


Non, l'excès de mortalité observé en Grande-Bretagne n'est pas dû aux vaccins Covid

Publié le lundi 22 mai 2023 à 12:12

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Julie PACOREL / Kate TAN / AFP Australie / AFP France

Depuis la pandémie de Covid, une mortalité excédentaire a été observée dans le monde entier. En Grande-Bretagne, cette surmortalité particulièrement marquée, accentuée par des phénomènes propres à ce pays, a donné lieu à de nombreux articles dans la presse. Certains ont donné lieu à des extrapolations, voire des manipulations, de la part d'internautes, qui assurent que cette surmortalité est due au vaccin Covid. C'est faux, ce n'est pas ce que disent ces articles, ni les experts interrogés par l'AFP.

"La UNE du Daily Mirror fait froid dans le dos. Nous hélas, on sait pourquoi, mais vous, les médias aux ordres et qui vivez des aides des gouvernements et des publicités surtout de Big Pharma, vous allez le dire quand ?", s'indigne le 12 mai, dans un message vu plus de 3.000 fois sur Telegram , la biostatisticienne Christine Cotton, habituée des fausses allégations autour du Covid.

D'autres publications similaires au sujet de la surmortalité en Grande-Bretagne ont essaimé sur les réseaux sociaux en mai, en citant un autre article de presse du 11 mai, celui du Daily Mirror (article archivé), un tabloïd à très grand tirage.

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C'est sur ce même article que se base la publication Facebook de Florian Philippot, le président des Patriotes, pour affirmer: "33.000 morts de trop en 7 mois au Royaume-Uni selon les statistiques officielles: surmortalité gigantesque! Au moins là-bas la presse en parle! En France rien! Les covidistes sont responsables d'un carnage!" Il renvoie ensuite, avec le mot "vérité", à la page "soutien" du site web des Patriotes, qui propose une adhésion au parti d'extrême droite.

Récemment, des interprétations similaires d'articles évoquant les chiffres de la mortalité outre-Manche avaient déjà suscité des fausses interprétations sur les réseaux sociaux. Il s'agissait de publications en anglais, qui assuraient : "BBC News a enfin admis ce que de nombreux articles indépendants révélaient ces dernières années : les vaccins antiCovid ont provoqué un 'excédent de mortalité' parmi les personnes vaccinées", en s'appuyant cette fois sur cet article (archive) de la célèbre chaîne de télévision britannique, publié en janvier.

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Screenshot of the false post shared on Facebook, captured on May 3, 2023

 

Aucun lien entre morts et vaccin dans les articles de presse

Les deux articles des médias britanniques évoquent bien, sur la deuxième moitié de 2022 (de mai à décembre) 32.000 morts excédentaires - sans compter ceux du Covid -, en citant un organisme d'état, le Bureau des statistiques nationales (ONS).

La notion de "décès excédentaires" est couramment utilisée en épidémiologie, et correspond au nombre de morts en plus de ceux que l'on pourrait attendre dans des conditions "normales", donc en-dehors de toute crise majeure comme une épidémie ou une guerre. 

Mais rien dans ces articles ne fait le lien entre ces morts et le vaccin Covid. Même si la Une du Daily Mirror, habitué des titres racoleurs, peut sembler inquiétant : "Les Britanniques meurent par dizaines de milliers et on ne sait vraiment pas pourquoi".

BBC News écrit même, au contraire des affirmations sur internet : "Les chiffres des morts de toutes causes à partir de juin 2022 montrent que les personnes non vaccinées ont plus de risque de mourir que les personnes vaccinées", concluant : "si les vaccins provoquaient des morts excédentaires, on pourrait s'attendre à ce que ce soit l'inverse".

Un porte-parole de la BBC a assuré à l'AFP le 26 avril que l'article sur la surmortalité n'apportait aucun élément permettant de soutenir les fausses affirmations sur les réseaux sociaux.

L'article de BBC News fait état de 650.000 décès enregistrés au Royaume-Uni en 2022, ce qui représente une augmentation de 9% du total des morts par rapport à 2019.

"Les données (de l'ONS, NDLR) indiquent que les effets de la pandémie sur la santé et la pression sur le système de santé provoquées par les grèves du Service public de santé (NHS) sont les principales explications", ajoute l'article. En profonde crise, le Service public de santé britannique connaît depuis 2022 des grèves historiques.

Un expert interrogé par l'AFP, Paul Hunter, professeur de médecine à l'Université d'East Anglia, a assuré le 28 mai que l'imputation de ces morts excédentaires aux vaccins était "fausse, et sans preuve". On peut voir sur ces données de l'ONS (archive) que les personnes vaccinées ont un taux de mortalité plus faible.

Paul Hunter évoque comme possible cause de la surmortalité observée en 2022 "un retard de diagnostic de maladies mortelles en raison de la pandémie et des mesures de contrôle sanitaire qui y ont été associées".

Un quart de million de morts "inexpliquées"

Sur les réseaux sociaux, d'autres publications récentes reprennent les mêmes allégations d'un lien entre morts excédentaires et vaccins, mais avec un autre chiffre.

"Tiens tiens, ils commencent à flipper de cacher la surmortalité ! La Une de The Economist : "Un quart de million de disparus. Décès inexpliqués en Grande-Bretagne." Inexpliqués vraiment ? Et ceux qui savent tout ne savent pour une fois rien ? Seul un corrompu ou un abruti ne fera pas le lien avec les poisons-vaccins !", lance sur Twitter le 8 mai Silvano Trotta, une figure de la sphère complotiste française, dont les fausses affirmations sont fréquemment démystifiées par l'AFP Factuel, comme ici ou ici. Son tweet, accompagné d'une photo de la Une de l'hebdomadaire britannique (article archivé), a été partagé plus de 1.800 fois sur Twitter.

The Economist, dans son article de mars 2023, parle bien d'"un quart de million de morts" (...) "inexpliquées". Contrairement aux 32.000 cités par les autres articles britanniques, ce chiffre ne porte pas sur 2022, mais sur dix ans.

Selon les calculs de l'hebdomadaire "entre 2012 et 2022 environ, 700.000 Britanniques sont morts plus tôt que ce qui était prévu", dont la grande majorité pendant la pandémie de Covid.

Mais parmi ces morts excédentaires, explique The Economist, 250.000 ne sont pas liés au Covid, c'est le "quart de million" dont parle le journal.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces excès de mortalité, selon le célèbre titre de presse. "Ces dernières années en Grande-Bretagne, les crises sanitaires se sont enchaînées", commence l'article : "D'abord la pandémie de Covid, puis des retards du système social et sanitaires que le Covid a exacerbé, et un long hiver de grèves et de services d'urgence débordés".

Mais en fond, relève le journal, "bien avant la pandémie, une autre histoire encore plus perturbante était en cours", évoquant "une sombre décennie" pendant laquelle, contrairement à ses voisins européens, la Grande-Bretagne a connu une "stagnation" de son espérance de vie.

L'hebdomadaire relève notamment une différence grandissante d'espérance de vie entre les différents milieux sociaux, de plus de 9 ans chez les hommes selon qu'ils viennent des meilleurs ou des pires quartiers. La pauvreté affecte notamment les chances des personnes atteintes de cancer : les plus précaires ont 20% de risque en plus de se voir diagnostiquer un cancer à un stade avancé.

Des mauvais indicateurs qui s'expliquent par plusieurs raisons : la faillite du système de santé, mais aussi une hausse exponentielle des victimes de la drogue (notamment en Ecosse) ou encore la pauvreté grandissante d'une classe sociale qui ne parvient plus à se nourrir ni à se loger correctement.

La surmortalité, un thème récurrent de désinformation

L'excédent de mortalité, même s'il est particulièrement aigu en Grande-Bretagne, est global, comme le montre les récents rapports de l'ONU sur le sujet.

Ce phénomène est un thème récurrent de désinformation, notamment par les anti-vaccins, qui y voient la preuve d'une nocivité des injections anti-Covid.  Une rhétorique anti-vaccination devenue récurrente consiste aussi à nommer les personnes vaccinées contre le Covid "cobayes" et ainsi insinuer que le but de la pandémie est de réduire la population mondiale

Début mai, l'AFP Factuel a ainsi démystifié des fausses informations au sujet de la surmortalité mondiale. Des internautes affirmaient que les chiffres de l'ONU révélaient que plus de 20 millions de personnes étaient mortes "en trop" depuis 2020, incriminant les vaccins. Cet excès de mortalité s'explique en fait principalement par la pandémie de Covid elle-même, dont les effets ont longtemps été sous-estimés.

Une étude américaine publiée en janvier 2023 dans la revue Vaccine a conclu à une absence de risque accru de mortalité hors Covid-19 parmi les personnes vaccinées, quel que soit le vaccin (Pfizer, Moderna et Janssen), par rapport aux personnes non-vaccinées.

Cette étude a été menée à une plus grande échelle que les études précédentes sur le sujet, puisqu’elle a porté sur plusieurs millions d’individus, 3% de la population américaine, sur une durée de plusieurs mois, entre décembre 2020 et août 2021.

Le taux de mortalité huit mois après le début de l’étude était de 0,76% pour les personnes ayant reçu une dose de vaccin, 0,66% pour celles ayant reçu deux doses, et 1,76% pour les personnes non-vaccinées.

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