Non, une enquête de Cash investigation sur Alstom n’a pas été "déprogrammée"


Non, une enquête de Cash investigation sur Alstom n’a pas été "déprogrammée"

Publié le mardi 22 février 2022 à 17:20

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Des employés d'Alstom à Petite-Forêt en février 2019

(AFP / PHILIPPE HUGUEN)

Auteur(s)

Emilie BERAUD, AFP France

Plusieurs internautes prétendent qu'une émission de Cash investigation sur Alstom a été "déprogrammée" afin de ne pas nuire à Emmanuel Macron, ministre de l'Économie lors de la vente du site de Belfort à l'américain General Electric en 2015. Cependant, cette affirmation est fausse: elle se fonde sur un tweet humoristique et des propos tronqués d'un responsable de France 2. La chaîne a par ailleurs assuré à l'AFP qu'aucune enquête consacrée à ce dossier n'avait été déprogrammée ni même réalisée.

Une enquête consacrée à l'"affaire Alstom" et risquant de nuire au chef de l'Etat a-t-elle été déprogrammée par France 2?

Le retour sous pavillon français des turbines nucléaires produites à Belfort a eu un double effet: il a rouvert le débat sur le rôle d'Emmanuel Macron lors de la vente du site à l'américain General Electric en 2015, du temps où il était ministre de l'Economie, et a fait naître quelques rumeurs sur les réseaux sociaux.

A en croire l'une d'elles, relayée par une publication très virale sur Facebook, l'émission d'investigation de France 2 devait diffuser une enquête consacrée à cette affaire mais l'aurait "déprogrammée".

"Cash investigation sur Alstom a été déprogrammée… ", clame ce message, partagé plus de 3.000 fois en quatre jours et renvoyant vers un article du site internet controversé Planètes 360 assurant : "MACRON : Le scandale de la vente d’Alstom est en train de lui revenir comme un boomerang."

2022022218-95eec174e4c4e044520c410dd9babfdf.jpegCapture d'écran prise le 21 février 2022 sur Facebook ( AFP / )

Cette affirmation est toutefois erronée: elle s'appuie à la fois sur un tweet humoristique et sur des déclarations tronquées d'un responsable de France 2. La direction de la chaîne a par ailleurs assuré à l'AFP qu'aucune enquête sur ce dossier n'avait été déprogrammée ni même réalisée.

"Il n'y a pas d'émission sur Alstom en cours et il n'y a pas d'enquête à ce sujet", précise la direction de la communication du groupe qui indique "qu'aucune déprogrammation d'émission au sujet d'Alstom n'a eu lieu."

Les équipes de Cash Investigation avaient diffusé le même message sur Twitter.  

Un tweet satirique...

A l'origine, cette rumeur semble émaner d'un tweet d'un internaute publié le 16 février 2022 : "Ne ratez surtout pas jeudi soir dans CASH INVESTIGATION l'enquête sur les dessous de l'affaire ALSTOM, le rôle de Macron et le financement de sa campagne électorale en 2017...", peut-on y lire

Son auteur a rapidement indiqué qu'il s'agissait "évidemment de second degré" mais il n'a toutefois pas supprimé son premier tweet, qui est devenu viral.

Partagé plus de 4.000 fois, il a ensuite été déformé par de nombreuses publications sur Twitter, laissant entendre que cette émission de Cash Investigation aurait été "déprogrammée" et criant à la "censure".

"Ce nouveau numéro de Cash Investigation d'Elise Lucet qui devrait mettre à jour le scandale #Alstom et compromettre les chances de Macron est censuré. Toujours convaincus que nous vivons dans une grande démocratie?", écrit ainsi un internaute le 18 février.

Le contexte est propice aux interrogations: deux jours auparavant, mercredi 16 février, un article du Canard Enchaîné révélait la "facture cachée du rachat des turbines de General Electric" et mettait en cause la gestion de ce dossier par Emmanuel Macron.

L'article dévoile notamment le prix que l'acquéreur, EDF, devra débourser pour racheter au groupe américain ces turbines équipant les centrales nucléaires: "1,2 milliard, soit deux fois plus cher que le prix de vente."

L'hebdomadaire épingle ainsi les prises de décisions d'Emmanuel Macron qui auraient conduit à un "ruineux triomphe industriel." La vente de l'usine de Belfort a en effet été enclenchée lorsqu'Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint de l’Élysée (2012-2014) et parachevée quand il était ministre de l’Économie (2014-2016).

2022022218-a99dfbdcb64457a3261200ce064b41c2.jpegEmmanuel Macron, à l'usine de Belfort le 10 février. ( POOL / JEAN-FRANCOIS BADIAS)

... et des propos déformés

Sur Twitter, la rumeur d'une "déprogrammation" s'est également appuyée sur des déclarations tronquées de Laurent Guimier, directeur de l'information de France Télévisions.

Invité sur l'émission du Figaro Buzz TV le 17 février, M. Guimier a évoqué la diffusion prochaine dans Cash investigation d'une enquête consacrée aux Ehpad, dont la gestion vient d'être dénoncée dans un ouvrage retentissant. "Je pense que ça fera du bruit. Ce n’est pas de l’opportunisme car ça va faire bientôt cinq ans que nos équipes travaillent sur ces questions", assure-t-il.

Ses déclarations ne font aucunement référence à Alstom mais ce bout de phrase va pourtant être détourné par les propagateurs de l'infox sur la "déprogrammation".

Dernière précision: une enquête du magazine d'investigation a bien été reprogrammée mais elle concernait l'enseigne McDonald's, explique la direction de France Télévisions, qui avance "des raisons matérielles et organisationnelles" liées précisément à l'enquête sur les Ehpad.

"Un Cash Investigation devait prochainement être diffusé sur McDonald's. Mais comme les équipes travaillent aussi sur la question des Ehpad, priorisée en raison de l'actualité, elles ne pouvaient pas se consacrer en même temps à deux sujets, explique la chaîne. L'émission sur McDonald's sera diffusée dans quelques semaines ; celle sur les Ehpad en amont."

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