Réindustrialisation: derrière le discours de l'exécutif, une réalité plus nuancée


Réindustrialisation: derrière le discours de l'exécutif, une réalité plus nuancée

Publié le jeudi 25 mai 2023 à 14:41

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(LUDOVIC MARIN / POOL)

Auteur(s)

Gaëlle GEOFFROY / AFP France

Le 15 mai 2023, Emmanuel Macron a annoncé des projets industriels pour un total de 13 milliards d'euros, et 8.000 emplois directs à la clé. Régulièrement, l'exécutif vante ainsi l'"attractivité" de la France et le processus de "réindustrialisation" du pays, résultat "spectaculaire" des politiques menées depuis 2017 selon le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Mais ce tableau optimiste d'une France qui se réindustrialise est en trompe-l'oeil. De nombreux éléments de contexte permettent de nettement le nuancer, ont expliqué à l'AFP plusieurs experts, qui détaillent les limites de la "réindustrialisation" actuelle et à venir vantée par l'exécutif. Par exemple, si le secteur regagne des emplois, leur nombre reste limité, et la part de la richesse qu'il produit dans le PIB faiblit. Quant aux investissements étrangers vantés par le gouvernement, ils sont moins pourvoyeurs d'emplois que dans d'autres pays européens.

Soucieux de tourner la page de la réforme des retraites, Emmanuel Macron et le gouvernement ont largement communiqué autour du sommet Choose France, qui a réuni à 200 patrons étrangers. L'édition 2023 s'est conclue par l'annonce le 15 mai de 13 milliards d'euros de promesses d'investissements dans le cadre de 28 projets à capitaux étrangers, qui devraient créer 8.000 nouveaux emplois directs (lien archivé).

A cette occasion, il a mis l'accent sur les ouvertures d'usines depuis son premier quinquennat: 300 depuis 2017 selon lui, après 600 fermetures entre 2008 et 2017, a-t-il insisté à plusieurs reprises, notamment lors du journal de 20 heures du 15 mai sur TF1:

Le même jour, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire se félicitait sur BFMTV du fait que la réindustrialisation enclenchée en France soit le résultat "spectaculaire" de la politique menée depuis six ans par les gouvernements macronistes successifs:

Plus largement, le chef de l'Etat (archive) et ses ministres ont vanté pendant plusieurs jours l'"attractivité" de la France, brandissant un baromètre du cabinet Ernst and Young (lien archivé) la plaçant "pour la quatrième année consécutive" en tête du classement des pays européens accueillant des investissements directs étrangers (IDE, archive).

Mais comme nous le verrons, ils n'ont pas évoqué une autre partie du baromètre, qui montre que les projets développés en France créent en moyenne moins d'emplois que dans d'autres pays européens.

En outre, si le secteur industriel recommence bien à créer usines et emplois en chiffres nets, c'est-à-dire que davantage d'usines et d'emplois sont créés qu'il n'en est détruit, leur nombre reste faible au regard des millions d'emplois et sites industriels disparus depuis les années 1970. Et le poids du secteur dans la richesse produite en France continue de reculer.

Plus de 2,6 millions d'emplois perdus en plus de 40 ans

L'industrie recouvre, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee, archive), l'industrie manufacturière (la transformation de biens, par exemple les industries alimentaires, de la chimie ou de l'électronique), les industries extractives (les gravières par exemple), la production et la distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné, ainsi que la production et la distribution d’eau, l’assainissement, la gestion des déchets et la dépollution.

La désindustrialisation depuis la fin des années 1970 a été très largement documentée. Le pays a perdu un total de quelque 2,62 millions d'emplois salariés industriels entre 1970 et 2017, passant de 5,76 millions d'emplois directs au 2e trimestre 1974 à 3,14 millions à la fin du 1er trimestre 2017, selon l'Insee (archive):

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Capture d'écran, réalisée le 22 mai 2023, d'un graphique de l'Insee sur l'évolution de l'emploi salarié industriel en France

 

Puis à partir de la fin du 1er trimestre 2017, juste avant l'élection d'Emmanuel Macron, l'emploi industriel est reparti progressivement à la hausse - hormis en 2020 pendant la crise du Covid - pour atteindre 3,24 millions d'emplois fin 2022. Soit un peu moins de 100.000 emplois créés en net entre début 2017 et fin 2022.

"Il existe une vraie reprise industrielle depuis 2016", résume David Cousquer, fondateur et gérant du cabinet Trendeo, interrogé par l'AFP le 15 mai 2023.

"Ce qui manquait jusqu'ici à l'investissement industriel en France, c'était aussi les grands projets de grands sites autour desquels se construisent des sites satellites de sous-traitants et autres", poursuit-il. 

Cette légère reprise de l'emploi industriel est corroborée par les chiffres des créations nettes d'usines cités par Emmanuel Macron, qui les a évalués à "300" depuis 2017, un chiffre en ligne avec les calculs de Trendeo.

Trendeo recense chaque trimestre ouvertures et fermetures d'"usines", c'est-à-dire de "tout site de production industrielle ou d'énergie créé ou fermé (donc pas les extensions ni les réductions d'effectifs), employant plus de 10 salariés", explique David Cousquer, en précisant que "l'évolution est parallèle si l'on prend un seuil plus élevé, de 50 ou 200 salariés".

Et selon ses dernières données transmises à l'AFP le 15 mai, 279 usines avaient vu le jour en France en chiffres nets entre le 1er trimestre 2017 et le 1er trimestre 2023: 892 avaient été créées et 613 fermées.

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Grahique du solde net des fermetures et ouvertures d'usines en France, réalisé par l'AFP le 22 mai 2023 à partir des données du cabinet Trendeo

 

David Cousquer met ce sursaut au crédit des "subventions" issues de France Relance, du nom du plan d'investissement de 100 milliards d'euros (archive) lancé fin 2020 par le gouvernement dans le sillage de la crise sanitaire pour accélérer la transition écologique, renforcer la compétitivité et développer les territoires de province.

"Frémissement"

Mais tout cela reste fragile, et n'est pas lié à la seule politique des gouvernements successifs d'Emmanuel Macron, expliquent les experts interrogés par l'AFP. Ceux-ci évoquent davantage une stabilisation du secteur, attribuable à de multiples mesures -très coûteuses - et dynamiques macro-économiques, pour certaines à l'oeuvre avant l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée.

Gwenaël Guillemot, directeur de l'Institut de la réindustrialisation (lien archivé) - fondé en 2015 par des entreprises industrielles et écoles d'ingénieurs pour promouvoir le secteur- évoque un "frémissement", apparu selon lui au début des années 2010 .

Alors qu'elle avait été "pendant des décennies délaissée, jugée polluante, avec une image négative", l'industrie est alors "remise au goût du jour", notamment sous le  ministère du Redressement productif dévolu à Arnaud Montebourg, chantre du "made in France".

Puis les politiques menées depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron "ont réussi à inverser la tendance et imprimer une dynamique positive", a-t-il expliqué à l'AFP le 22 mai, en citant les plans France Relance et France 2030 (archive).

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L'usine du constructeur automobile Stellantis à Trémery, en Moselle, le 27 janvier 2022

ERIC PIERMONT / AFP

 

Axe de la feuille de route de la Première ministre Elisabeth Borne, la nécessité d'"accélérer la réindustrialisation" (archive), avec diverses mesures en faveur, entre autres, de la formation ou du financement des entreprises, a encore été réaffirmée par Emmanuel Macron quelque jours avant Choose France. Et au lendemain du sommet, le gouvernement a dévoilé son projet de loi pour l'industrie verte (archive).

C'est aussi au début/milieu des années 2010 - soit avant l'élection d'Emmanuel Macron en mai 2017 - que le nombre de délocalisations d'entreprises françaises - délocalisations réalisées dans l'immense majorité des cas dans le secteur industriel - a commencé à ralentir, comme l'a montré l'Insee dans une étude réalisée sur la période 1995-2017 et publiée en décembre 2022 (archive).

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L'entrée de l'usine Fralib, à Géménos, dans les Bouches-du-Rhône, le 5 septembre 2011, occupée par les salariés qui protestent contre la décision du propriétaire anglo-néerlandais Unilever de fermer le site de production des thés Lipton pour le délocaliser en Poloigne et en Belgique

BORIS HORVAT / AFP

 

Les données montrent en parallèle une remontée de l'emploi industriel qui s'enclenche en 2017.

"En Europe, la crise des 'subprime' de 2008 a été suivie d’une crise sur la dette souveraine [dettes des Etats, NDLR], ce qui a prolongé le choc. Les pays de la zone euro ont mis un peu plus de temps à se rétablir", relève Julien Deroyon, responsable de la division Industrie et agriculture au sein de la Direction des Statistiques d'entreprises de l'Insee, auprès de l'AFP le 22 mai.

L'étude de l'Insee sur les délocalisations a, elle, relevé qu'entre 2011 et 2017, "l'amélioration de la compétitivité-prix française sur la période pourrait avoir contribué à cette baisse des incitations à délocaliser".

Regain d'activité après une période de crise, changement d'image, mesures fiscales et financières de soutien, initiatives visant à dynamiser le secteur, comme la création de l'Alliance Industrie du futur (archive) en 2015 ou le projet Territoires d'industrie (archive) dans le cadre du plan France 2030.

Et, depuis 2022, "un mouvement global où les investisseurs cherchent à augmenter les capacités de production partout dans le monde, à coups de subventions" prodiguées par les Etats, complète Sarah Guillou, directrice du département de recherche Innovation et concurrence à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), dans un entretien à l'AFP le 15 mai.

Les mesures prises par les gouvernements successifs d'Emmanuel Macron n'expliquent donc pas à elles seules le léger souffle retrouvé par le secteur.

L'industrie française est-elle définitivement sortie d'affaire, comme le laisse entendre régulièrement l'exécutif ?

8.000 emplois, peu au regard des centaines des centaines de milliers perdus

"On a stoppé l'hémorragie" et "il y a une convergence de signaux positifs, mais pour l'instant cela reste insuffisant", abonde Gwenaël Guillemot, de l'Institut de la réindustrialisation, qui lui aussi tempère l'optimisme affiché par le gouvernement.

Pour lui, même le plus gros projet annoncé lors de Choose France (5,2 milliards d'euros pour une méga-usine de batteries nouvelle génération du taïwanais Prologium, avec 3.000 emplois à la clé) ne peut faire oublier que "la France a complètement loupé le virage des véhicules électriques" et ne fait pas le poids sur les marchés à l'international face aux mastodontes chinois et indiens.

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Le président français Emmanuel Macron (à gauche) et le PDG de ProLogium Vincent Yang (à droite) à Dunkerque, dans le Nord, le 12 mai 2023

PASCAL ROSSIGNOL / POOL

 

"Les annonces récentes peuvent donner l'impression qu'il y a une vague d'investissements industriels impressionnante, mais il y a un effet de rattrapage: ce type d'annonces est dans d'autres pays plus courant", relève David Cousquer, du cabinet Trendeo.

Elles peuvent aussi laisser penser "qu'il n'y a plus de problèmes dans l'industrie. Or, la part de l'industrie dans le PIB reste à 10-11% et après des décennies de baisse régulière, ce n'est pas quelque chose que l'on inverse en quelques mois", souligne-t-il.

Pour Sarah Guillou, de l'OFCE, les investissements annoncés lors de Choose France "ne sont pas négligeables", et les 8.000 emplois directs annoncés auront certes des effets tangibles sur les territoires où ils seront implantés. Mais "par rapport à ce que l'on a perdu, ce n'est pas beaucoup", et "il est clair qu'ils ne vont pas fondamentalement modifier l'emploi industriel agrégé" au niveau national.

Un poids plus faible au sein du PIB

Autre facteur qui contribue à nuancer le tableau dressé par l'exécutif : le poids de l'industrie dans l'économie française reste faible et faiblit même ces dernières années.

La part de l'emploi salarié industriel dans l'emploi total reste globalement stable. Elle était de 12% au 4e trimestre 2022 (3,2 millions d'emplois sur un total de 26,5 millions), contre 12,4% au 4e trimestre 2017 et 13% au 4e trimestre 2014, selon les calculs de l'AFP réalisés à partir des données de l'Insee sur l'emploi salarié industriel et l'emploi salarié total (lien archivé).

A long terme, l'emploi industriel n'a de toute façon pas vocation à augmenter de façon massive, soulignent certains experts. Car il s'agit d'un secteur "qui suppose des investissements importants avec proportionnellement moins de main-d’œuvre et plus de machines que d’autres secteurs", explique Julien Deroyon (Insee).

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Une ligne de production de l'usine de yaourts Danone de Ferrieres-en-Bray, en Seine-Maritime, le 29 mars 2023

LOU BENOIST / AFP

 

Autre indicateur, la part de la valeur ajoutée (archive) produite par l'industrie dans le Produit intérieur brut (PIB): elle continue de perdre du terrain.

Elle représentait 11,6% du PIB en 2021, contre 12,3% en 2017, 13,1% en 2008, 18,9% en 1990, et 21,2% en 1980, d'après les calculs de l'AFP réalisés à partir des données de l'Insee sur les évolutions de la valeur ajoutée de l'industrie (archive) et du PIB (archive).

Comparé à d'autres secteurs, la valeur produite par l'industrie recule aussi, à 13,1% du total des branches en 2021, après 13,8% en 2017, 14,6% en 2008, 18,9% en 2000 et 23,7% en 1980, selon les chiffres de l'Insee issus du graphique ci-dessous à gauche:

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Capture d'écran, réalisée le 22 mai 2023, d'un graphique de l'Insee récapitulant la part de valeur ajoutée par branche d'activité

 

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Capture d'écran, réalisée le 22 mai 2023, d'un graphique de France Stratégie récapitulant la part de la valeur ajoutée du secteur industriel de plusieurs pays développés dont la France dans l'économie

 

Des investissements étrangers moins créateurs d'emplois qu'ailleurs en Europe

En parallèle des mesures censées "réindustrialiser la France", le gouvernement a martelé ces derniers jours les résultats du  baromètre du cabinet Ernst and Young (lien archivé) sur l'attractivité d'une quarantaine de pays européens (Turquie incluse), mesurée par le nombre d'investissements directs étrangers (IDE) et publié le 11 mai 2023.

Selon cette étude, la France a enregistré pour la quatrième année consécutive le plus grand nombre d'investissements directs étrangers, avec "1.259 implantations ou extensions annoncées en 2022" tous secteurs confondus, devant le Royaume-Uni (929) et l'Allemagne (832).

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Capture d'écran de l'édition 2023 du baromètre de l'attractivité réalisé par Ernst and Young

 

Dans ses commentaires, Ernst and Young parle de "véritable performance" dans un contexte de "difficultés économiques nées de la crise géopolitique" et l'explique par les moyens "considérables" qui ont été "déployés en faveur d’une politique de l’offre (...): baisse des impôts de production, alignement progressif du taux de l’impôt sur les sociétés sur la moyenne de l’OCDE, simplification du droit des licenciements".

Mais il nuance aussi ces résultats: "en nombre de projets annoncés, la France bénéficie sans doute encore d’un mouvement de 'rattrapage' après les mauvaises performances enregistrées lors de la période 2010-2015", et "la remontée observée en 2021 fléchit et, surtout, les emplois 'apportés' par ces investissements diminuent de 15% entre 2021 et 2022".

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L'usine du fabricant d'engrais norvégien Yara au Havre, en seine-Maritime, le 8 avril 2022

SAMEER AL-DOUMY / AFP

 

Ces données s'entendent tous secteurs confondus. Lorsque l'on regarde la seule industrie, elle "est (re)devenue un moteur de l'attractivité de la France": "désormais 4 projets sur 10 sont des implantations ou extensions de sites de production", souligne Ernst and Young.

Mais là encore, le cabinet relève aussi des "faiblesses structurelles": "les projets manufacturiers en France sont avant tout des extensions de site (65%), alors que nos voisins outre-Rhin et outre-Manche parviennent davantage à attirer de nouvelles implantations (plus d’un projet sur deux en Allemagne, par exemple)".

Et "les investissements manufacturiers étrangers en France sont moins créateurs d’emplois (34 en moyenne) qu’au Royaume-Uni (74), qu’en Pologne (206) ou qu’en Allemagne (208)", relève encore Ernst and Young.

Les raisons en sont "un climat social jugé volatil" par les investisseurs et un "coût du travail qui reste élevé en comparaison avec nos principaux concurrents européens: 41,80 euros/heure en France dans l’industrie et les services marchands, contre 39,80 euros en Allemagne et 34,20 euros dans le reste de la zone euro", souligne le cabinet.

La formation, autre difficulté du secteur

Ainsi, "les nombreuses réformes entreprises ces dernières années – impôt sur les sociétés et fiscalité sur la production, allègement des charges sociales sur les bas salaires, réformes du droit du travail – sont loin d’être suffisantes pour convaincre de recruter davantage" dans l'industrie, estime Ernst and Young.

La question de l'emploi et de la formation reste un gros sujet pour le secteur industriel français: la désindustrialisation a provoqué globalement une perte de compétences.

Dans son plan pour la "réindustrialisation", le gouvernement a d'ailleurs promis de mettre sur la table, "dans les prochains mois", "700 millions d'euros pour accélérer la formation aux métiers d'avenir de l'industrie et faire évoluer la carte des formations".

"Il y a eu un tel désamour pour l'industrie, que dès que ça repart, il y a des difficultés de recrutement, il faut que les filières de formation se réorganisent ou, dans certains cas, se créent. Réindustrialiser est un processus qui se compte en années, pas en mois", explique David Cousquer.

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Une ingénieure à l'Ecole des Mines de Saint-Priest-en-Jarez, dans la Loire, le 20 mai 2020

PHILIPPE DESMAZES / AFP

 

L'industrie verte, pas forcément un eldorado pour l'emploi

Autre argument régulièrement avancé par l'exécutif : les industries vertes. Mais rien ne garantit qu'elles remieront avec regain d'emplois, soulignent les économistes, qui anticipent plutôt des réallocations d'emplois, voire des suppressions.

"Ce qui me paraît problématique, c'est de vouloir absolument vendre l'ensemble d'une politique industrielle verte comme fondamentalement créatrice de plein d'emplois", alors que ce ne sera pas forcément le cas, a souligné Camille Landais, président délégué du Conseil d'analyse économique (CAE), dans un entretien à l'AFP le 16 mai. 

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Le site du cimentier Hoffmann Green Cement Technologies, à Bournezeau, en Vendée, le 10 mai 2023

SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP

 

"Tous les modèles tendent à montrer que la transition écologique ne devrait pas occasionner de bouleversement en termes de nombre d'emplois", fait valoir Camille Landais, en prédisant plutôt un mouvement de "réallocation" d'emplois existants vers ces emplois verts, à l'instar de ce qui se passe dans l'automobile, en pleine transition avec la fin annoncée du moteur thermique.

L'assemblage d'un véhicule électrique est en effet globalement plus simple que celui d'une voiture thermique, ont expliqué plusieurs experts à l'AFP.

Ainsi "les chaînes d’assemblage pourraient mobiliser moins de main-d’œuvre que pour les véhicules thermiques" et ces activités "devraient être encore moins intensives en emploi. Elles permettront de recréer des emplois, mais pas les mêmes, et sans doute moins que ce qui existait auparavant" dans ce secteur, anticipe Julien Deroyon, de l'Insee.

Un rapport de France Stratégie et de la Dares (Direction de l'Animation de la recherche, des études et des statistiques, qui dépend du ministère du Travail) sur "les métiers en 2030" (archive) notait que "l'emploi industriel total serait quasiment inchangé dans le scénario de transition bas carbone (10.000 postes de moins en 2030 par rapport au scénario de référence)" - le scénario de référence intégrant seulement des "hypothèses modérées sur les changements de comportement induits par la crise" sanitaire et "une action pour le climat limitée aux mesures en place" au moment de la publication du rapport en mars 2022.


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