Un appel au don de sang pour un bébé atteint d'une "leucémie fulgurante" ? C'est une arnaque qui circule depuis 2007


Un appel au don de sang pour un bébé atteint d'une "leucémie fulgurante" ? C'est une arnaque qui circule depuis 2007

Publié le mardi 6 juin 2023 à 10:31

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Auteur(s)

Nathan GALLO / AFP France

Ce message appelant à l'aide pour un bébé de 17 mois atteint de leucémie est une arnaque qui circule depuis 2007. Le court texte viral, qui appelle au don de sang pour les personnes issues du groupe sanguin B, a pourtant été de nouveau été partagé plusieurs milliers de fois sur Facebook depuis fin mai. Issu à l'origine d'une histoire vraie de 2007 en Italie, ce message ne s'appuie plus sur aucun fait concret et partage des numéros de téléphone désormais non répertoriés. Ce type de mobilisation peut s'avérer par ailleurs "contre-productif", explique l'Etablissement français du Sang à l'AFP car "il n'aide pas à trouver les donateurs" et peut provoquer un encombrement des lignes d'appel.

"Très urgent !!! bébé 17 mois a besoin de sang groupe B , cause leucémie fulgurante !!!", annoncent des dizaines de posts relayés sur Facebook ces derniers jours. 

Partagés au total plus d'une dizaine de milliers de fois sur la plateforme depuis fin mai (ici, ici ou ici), ces posts s'accompagnent tous du même numéro de téléphone débutant par 06, et demandent aux internautes de faire circuler cette information. 

Le même message a aussi été partagé plusieurs centaines de fois sur Twitter, avec le même numéro de téléphone.

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Posts sur Facebook qui partagent ce canular depuis mai 2023 (captures d'écran du 5 juin 2023)

 

Mais plusieurs détails intriguent : sur Facebook, beaucoup des partages des derniers jours reprennent un post plus vieux, datant d'avril 2017. Sur Twitter, on retrouve aussi plusieurs occurrences de ce même message avec le même numéro de téléphone dès décembre 2014. 

Ces dernières années, ce même message s'est par ailleurs retrouvé partagé en France, mais aussi dans plusieurs autres pays francophones sur le continent africain, comme en Côte d'Ivoire ou au Gabon.

On retrouve même de nombreux posts partageant un message très similaire dès 2009 sur le réseau social, avec un numéro de téléphone cette fois-ci légèrement différent débutant par 09.

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Post sur Facebook partageant le même canular dès 2009, avec un numéro légèrement différent (Capture d'écran du 5 juin 2023)

 

"Nous ne manquons pas de sang de ce groupe"

En réalité, tous ces posts sont issus d'un même message d'arnaque ou de canular qui circule depuis 2007 sur Facebook. Contacté par l'AFP, l'Etablissement français du sang indique avoir "déjà vu passer" ce type de message très viral et explique qu'il ne reflète en rien d'hypothétiques manques de réserves sanguines.

"Un bébé de groupe B n'est pas en danger de manquer de produit sanguin",  explique Pascal Morel, directeur de la recherche et de la valorisation à l'EFS, auprès de l'AFP le 5 juin. "Un enfant de 17 mois n'arrivera pas à épuiser nos ressources", précise-t-il. "Et même si le groupe B est un groupe un peu plus rare que le O et le A, nous ne manquons pas de sang de ce groupe". 

Il est difficile de déterminer si les numéros de téléphone diffusés ont servi dans le cadre d'une escroquerie : l'AFP a constaté le 5 juin que les deux numéros - en 06 et en 09 - n'étaient plus attribués.

Avant 2019, certains internautes se sont toutefois plaints d'une "arnaque" sur la plateforme d'annuaire inversé Kimatel concernant le numéro en 06 (lien archivé ici).

Une histoire qui circule depuis 2007

Plusieurs sites de vérification ont déjà retracé l'histoire de ce hoax ces dernières années.

Ces posts font en effet écho à un message devenu viral en Italie à la suite de l'hospitalisation réelle d'un enfant de 17 mois en mars 2007 à Florence, avait expliqué le journaliste italien spécialisé dans la lutte contre les fausses informations Paolo Attivissimo, dans un article de 2007 (lien archivé ici) repris par le site français de veille sur les différentes infox et arnaques en ligne Hoax Buster (lien archivé ici). 

Cette information, couverte par la presse italienne (lien archivé ici), avait été par la suite très partagée par SMS et e-mail via un message très similaire aux posts publiés ces derniers jours.

D'après la note de blog du journaliste italien, cette boucle mentionnait déjà le besoin de sang B+ pour cet enfant de 17 mois hospitalisé pour une leucémie à l'hôpital Meyer de Florence, ajoutant par ailleurs les coordonnées de l'hôpital. 

Face à l'afflux des demandes, l'hôpital florentin avait dû publier un communiqué à ce sujet pour expliquer qu'il n'y avait "pas d'urgence de sang B+ pour un enfant leucémique". 

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A gauche, l'article de journal de mars 2007 couvrant l'hospitalisation de l'enfant de 17 mois atteint de leucémie. A droite, le communiqué de l'hôpital florentin face à l'afflux d'appels (captures d'écran du 5 juin 2023)

 

Tout en rappelant "l'importance du don de sang et de moelle osseuse tout au long de l'année", l'hôpital invitait "les citoyens à ne pas encombrer les standards téléphoniques de l'hôpital, ni les numéros du Centre de Sang Florence". La raison : "Il y a un risque que les personnes qui en ont réellement besoin ne puissent pas contacter l'hôpital, ni les services internes". 

En 2009, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes avait aussi subi des messages "frauduleux" similaires au sujet d'une enfant en manque de sang au groupe sanguin rare.

L'hôpital avait alors alerté face à des "appels [qui] encombrent inutilement des lignes déjà fort demandées" (lien archivé ici). 

Ce canular refait par ailleurs régulièrement surface, comme l'avait par exemple indiqué Ouest-France en 2017.

Un message "contre-productif"

"Ce type de message est contre-productif car il ne nous aide pas à trouver les donateurs et on peut être submergés par les demandes", explique Pascal Morel. "Onva dès lors passer beaucoup de temps à répondre à ces demandes. Et pendant ce temps-là, on ne fait pas notre job".

L'Etablissement français du sang précise aussi ne pas avoir besoin de ce type de mobilisation en cas de besoins en types de sang plus rares : "En cas de besoin de sang rare, les cliniciens se mettent en contact avec nous. Et c'est nous qui nous chargeons d'aller chercher les donneurs de sang dans la population que nous avons déjà, notamment parmi les 700 000 donneurs actifs", décrit Pascal Morel. 

"Ce n'est certainement pas en faisant un appel à la population et en faisant venir des milliers de gens que l'on va trouver le bon type. C'est nous qui allons chercher le groupe et le sang nécessaire. Et l'avantage que nous avons, c'est que nous savons dans quel type de population tel type de sang", conclut-il. 

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